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DES MŒURS DE L'ÂME.

comme dans les corps organiques, ou s’il appelle forme le second principe des corps physiques[1], lequel construit un corps qui est similaire et simple, et qui n’a pas de structure organique perceptible aux sens ; ils répondront nécessairement que c’est le second principe des corps physiques, puisque c’est de ces corps que dépendent primitivement les actes. J’ai démontré cela ailleurs[2], et s’il en est besoin, je reprendrai la démonstration. Puisque tous ces corps [physiques et sans structure organique] sont constitués par la matière et par la forme, et qu’Aristote lui-même est d’avis que le tempérament corporel résulte de ce que les quatre qualités pénétrant la matière des corps physiques [qui était d’abord sans qualité], il doit nécessairement ajouter que c’est là la forme elle-même[3] ;

  1. Ce second principe des corps physiques ou naturels (φυσικοί) n’est autre chose que ce qu’Aristote lui-même appelle forme (voy. surtout De anima, II, 1, 2 et suiv.) C’est comme si Galien disait : Aristote appelle forme, la forme première d’un corps, celle qui le détermine dans l’espace et dans le temps.
  2. Voy. la dissertation Sur la physiologie de Galien.
  3. Ici, Galien professe sans détour que l’âme est matérielle, puisqu’il en fait un tempérament ; mais, pour appuyer cette funeste doctrine sur l’autorité d’Aristote, il fausse évidemment la pensée et la théorie de ce philosophe. L’erreur, je dirais presque la supercherie de Galien, est d’avoir soutenu que pour Aristote la forme, ou l’âme d’un corps naturel, résulte de l’arrangement des éléments premiers ou des qualités élémentaires dans la matière amorphe et qui les contenait seulement en puissance, en sorte que le tempérament préexiste à la forme, laquelle n’est qu’un résultat. La doctrine d’Aristote est précisément le contraire. Pour lui, la matière et la forme sont deux principes primitifs et co-éternels ; la matière est pour ainsi dire l’infini dans lequel la forme première opère des déterminations générales ou des substances, et la forme seconde des déterminations spéciales ou espèces. Par la pénétration de la forme, ce qui était en puissance, passe à l’état d’acte ; le tempérament résulte nécessairement de cette pénétration, mais ne la précède en aucune façon. Le corps et la forme ne sont pas une seule et même chose, pas plus que la cire et la figure qu’elle reçoit ne sont une même chose ; mais l’âme n’est pas séparée du corps, et il est douteux qu’elle soit une réalité parfaite, comme le passager dans le vaisseau (De anima, II, 1, § 7-13). Ainsi, Aristote doute de l’immortalité de l’âme, puisqu’il paraît l’attacher directement au corps. Il reconnaît aussi (ibid., I, 1, § 9-10), qu’il y a réciprocité d’action de l’âme sur le corps et du corps sur l’âme, mais il ne fait pas de l’âme une substance matérielle et la regarde comme quelque chose de distinct du corps par sa nature (ibid., II, 2, § 12-13. — Voyez aussi particul., I, 4, 6). — Il est vrai que d’après un passage du traité De l’âme, III, 4, § 4, on pouvait conclure indirectement que, suivant Aristote, l’âme qui est la forme du corps parti-