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DES MŒURS DE L'ÂME.

dans le cœur et dans le foie, et que Platon et moi regardons comme mortelles. Chacun de ces deux viscères a une essence propre ; nous n’avons pas à rechercher ici quelle elle est exactement ; rappelons seulement ce qui regarde la constitution commune à tous les corps. Il a été démontré que tout corps est constitué par deux principes [la matière et la forme] : la matière pouvant être conçue par l’esprit sans qualités[1], mais contenant [en réalité] un mélange de quatre qualités : le chaud, le froid, l’humide et le sec ; de ces qualités résultent le cuivre, le fer, l’or, la chair, les nerfs, le cartilage, la graisse, en un mot, tout ce que Platon appelle corps premiers, et Aristote corps homoiomères[2]. Ainsi, comme Aristote lui-même dit que l’âme est la forme du corps[3], il faut lui demander à lui, ou à ses sectateurs, si nous devons penser qu’il a appelé [dans ce cas] forme, la forme extérieure,

  1. Le texte vulg. porte : Ἐκ δυσῖν γὰρ ἀρχῶν ἡμῖν ἐδείχθη σύνθετος ὑπάρχειν, ὔλης μὲν ἀποίου, κ. τ. λ., mais je pense, avec Crassus (édit. des Juntes, 1re cl., p. 317 vo) et Goulston, qu’il faut lire : ὑπάρχειν ὔλης τε καὶ εἴδους, ὔλης μὲν ἀποίου, κ. τ. λ., et j’ai traduit en conséquence. Cette correction est d’ailleurs confirmée, d’abord par une phrase même de ce traité, qui vient peu après celle qui nous occupe, et aussi par un passage parallèle du traité Des dogmes d’Hipp. et de Platon (IX, 9, t. V, p. 804), où il est dit : « Que les essences physiques (ou naturelles), sont constituées par la forme et par la matière sans qualités (εἴδους τε καὶ ὔλης ἀποίου). »
  2. C’est là, si je ne me trompe, ce qu’on appelle encore la matière amorphe. Galien fait sans doute allusion à ce que dit Aristote dans son traité De l’âme (II, 1, § 2, édit. B. Saint-Hil.) : « Dans la substance il faut distinguer en premier lieu la matière, c’est-à-dire ce qui n’est pas par soi-même telle chose spéciale, puis ensuite la forme et l’espèce, et c’est d’après elles que la chose est dénommée spécialement. La matière est une simple puissance. » — « Elle n’est rien, ajoute M. B. Saint-Hilaire, et peut être tout, avant que la forme l’ait spécifiquement déterminée. » — « Ce sont surtout les corps, continue Aristote, qui semblent être des substances, et particulièrement les corps naturels (ou physiques), qui sont, en effet, les principes des autres corps… L’âme ne peut être substance que comme forme d’un corps naturel qui a la vie en puissance. — Ailleurs (II, 2) Aristote répète encore : « La matière n’est que puissance et la forme est réalité parfaite. »
  3. Voy. particulièrement sur cette théorie d’Aristote De anima, II, 1 et 2, et les excellentes notes de M. B. Saint-Hilaire, sur ces deux chapitres. Voy. aussi M. Ravaisson, Métaph. d’Aristote, t. I, p. 390 et 394 suiv., où l’on trouve un résumé très-exact de cette théorie. — Voy. encore M. Waddington-Kastus, Psychologie d’Aristote, chap. ii, p. 14 et suiv.