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EXHORTATION A L'ÉTUDE DES ARTS.

Mais, sans doute, émules d’Hercule lui-même, ils résistent au froid et au chaud ; couverts d’une seule peau l’hiver, aussi bien que l’été, ils n’ont point de chaussure et dorment à ciel ouvert couchés sur la terre ? Détrompez-vous ; ils sont sous ce rapport plus faibles que les enfants nouveau-nés[1]. — Dans quelles circonstances montrent-ils donc leur force ? de quoi sont-ils glorieux ? Ce n’est certes pas de pouvoir, à la palestre, ou au stade, renverser des cordonniers, des charpentiers ou des maçons ? Sans doute ils trouveront honorable de s’être, pendant tout le jour, couverts de poussière ? Mais les cailles et les perdrix en font autant. Si on peut se vanter beaucoup d’un pareil mérite, on le peut également de se laver dans un bourbier[2].

Par Jupiter ! Milon, ce fameux Crotoniate, parcourut un jour le stade, portant sur ses épaules un des taureaux immolés pour le sacrifice. O excès de déraison ! Comment ne pas reconnaître que peu d’instants avant l’âme du taureau portait le corps de cet animal vivant bien plus aisément que Milon n’avait réussi à le faire, puisqu’elle pouvait courir en le transportant ? Cependant cette âme n’avait aucun prix non plus que celle de Milon. Du reste la fin de cet athlète prouve combien il était insensé : voyant un jour un jeune homme qui, à l’aide de coins, fendait un arbre dans sa longueur, il l’éloigna en se moquant de lui et essaya de le fendre en se ser-

  1. Faber (Agonisticon, III et suiv.) cherche à établir que les athlètes étaient sobres, tempérants et propres à supporter les influences extérieures ; mais ici encore aucun choix dans les textes et des figures de rhétorique prises pour la réalité. Il faut remarquer aussi que la tempérance des athlètes était toute de circonstance, n’avait d’autre but que le triomphe dans les exercices et n’était ni une vertu, ni une règle bien entendue d’hygiène. Leur force de résistance contre les intempéries, n’existait, pour ainsi dire, que sur le théâtre même des exercices.
  2. Les lutteurs étaient dans l’habitude de se rouler dans la poussière ou de se frotter avec de la boue, suivant qu’il s’agissait de saisir plus facilement son adversaire ou de mieux glisser entre ses mains (voy. Willet, p. 128-129). En parlant des cailles et des perdrix, Galien entend-il, ainsi que paraît le croire Willet, les combats d’animaux, très-répandus chez les anciens (voy. par exemple Plutarque, De anim. tranquill., p. 417 d), et où les oiseaux figuraient aussi bien que les chiens et les chevaux ? Il me semble que c’est plutôt de la part de l’auteur une allusion à l’habitude que les cailles et les perdrix ont de se rouler dans le sable et la poussière, d’où les épithètes ὄρνιθες κονιστικοί ? (Aristote) ; aves se pulverantes ou pulveratrices (Pline). Voy. Trésor grec, v. Κονιστικός.