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UTILITÉ DES PARTIES DU CORPS, XI, ix-x.

nable que la grandeur de la bouche fùt proportionnée aux ongles et à la force des dents ; car quel avantage des dents et des ongles puissants eussent-ils procuré avec une petite bouche ? Et quel profit l’homme qui a beaucoup de molaires eût-il retiré d’une bouche considérablement fendue[1] ?

Quant aux muscles masséters, il suffit de nos observations précédentes (voy. chap. iv à vii) pour montrer combien la partie voisine de la fente de la bouche contribue à la trituration. Si donc la bouche chez l’homme eût été fendue davantage comme elle est chez le loup, il ne pourrait broyer ses aliments et il ne tirerait de la grandeur de sa bouche aucun surcroît de force puisqu’il n’a pas beaucoup de dents acérées. Si, au contraire, chez ces animaux elle était très-peu fendue, comme chez l’homme, la puissance de leurs dents aiguës serait détruite.

En résumé donc en examinant tous les animaux, vous trouverez que ceux qui mordent avec force ont la bouche très-grande et garnie de dents acérées ; que ceux dont les dents sont destinées à mâcher les aliments, à les triturer, ont une bouche très-peu fendue, garnie intérieurement de molaires nombreuses, et point de canines ou seulement une à chaque partie de la mâchoire.

Cette proportion qui a été observée dans ces parties existe aussi rigoureusement pour les ongles. Chez les animaux apprivoisés ou inoffensifs les ongles sont larges, émoussés, obtus ; chez les animaux sauvages et belliqueux, ils sont aigus, grands, forts, et arrondis. Cette précaution, je pense, n’était pas à négliger par les atomes qui devaient donner aux carnassiers des ongles propres à déchirer et à retenir.

  1. Après avoir parlé de la mastication, Aristote (Part. anim., III, i — cf. Hist. anim., II, vii) ajoute : « La bouche sert aussi à respirer chez les animaux qui respirent et chez qui la réfrigération se fait par l’extérieur ; car la nature même emploie par elle-même des parties communes à tous les animaux pour plusieurs usages spéciaux. Ainsi, la bouche a pour fonction commune, l’alimentation ; chez certains animaux, elle aide particulièrement à la force ; chez d’autres, elle sert à la parole ; la respiration n’est pas non plus une fonction commune à tous. La nature, réunissant toutes ces fonctions en une seule partie, varie la forme de la bouche suivant les fonctions qu’elle a à remplir. » — Voy. Cuvier, Anat. comp., t. IV, 2e part, p. 379 suiv.