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UTILITÉ DES PARTIES DU CORPS, XI, viii-ix.

tout l’air pourtant d’achever toutes choses avec plus de réflexion qu’Épicure et Asclépiade. Car il faut admirer et les autres dispositions prises par les atomes, et celle-ci, que ce n’est pas chez les hommes seulement, mais chez les animaux, qu’ils ont placé en arrière les molaires, et les incisives en avant. Que pour une espèce d’animaux leur tourbillon eût été aussi heureux, cela était admissible ; mais qu’il l’ait été pour toutes les espèces également, cela marque déjà bien du sens et de la réflexion. Si vous ajoutez qu’aux animaux carnassiers ils ont donné de nombreuses dents à la fois acérées et fortes, pour moi je ne puis m’imaginer comment c’est l’œuvre d’un tourbillon aveugle. Si donc vous avez vu des dents de lion et de brebis, vous en connaissez la différence ; mais que les dents des chèvres soient semblable à celles des brebis et les dents des panthères et des chiens à celles des lions, n’est-ce pas étonnant ? Quand on voit les griffes semblables, aiguës et fortes chez les carnassiers, comme des épées données par la nature, tandis qu’il n’en existe de pareilles chez aucun des animaux inoffensifs, la chose paraît plus surprenante encore.

On attribuerait peut-être à un singulier bonheur des atomes la juste conformation des parties adjacentes et voisines ; mais qu’aucun animal n’ait à la fois des griffes fortes et des dents faibles, c’est le fait du Créateur qui a une intelligence précise de l’utilité de chacune des parties. Avoir donné un col plus court aux animaux doués de membres divisés en doigts, et pouvant au moyen de ceux-ci porter les aliments à leur bouche (cf. I, viii), et, au contraire, aux animaux pourvus de cornes ou de sabots, un col plus long qui leur permet de paître en se baissant (cf. VIII, i et XVI, vi), n’est-ce pas aussi le fait d’un Créateur qui a l’intelligence de l’utilité des parties ? Comment ne pas s’étonner encore en voyant que les grues et les cigognes, pourvues de membres très-longs, sont, par cette raison même, munies d’un grand bec et d’un plus long col, tandis que les poissons n’ont ni col ni membres ? En effet, quel besoin les poissons avaient-ils de col et de pieds, s’ils ne doivent ni émettre de sons, ni marcher ? Que, dans la race si nombreuse des poissons, les atomes n’aient pas, par oubli, attribué des pieds à un seul d’entre eux, c’est le fait d’une mémoire bien fidèle. Peut-être s’il s’agissait de l’homme seul ou de quelque espèce d’animaux croirait-on à ce concours heureux