Page:Galien-Oeuvres anatomiques physiologiques et médicales-T1-1854.djvu/701

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
669
DE LA FACE.

cune des dents, les pressent, les maintiennent fortement pour qu’elles ne soient pas facilement ébranlées. Avoir créé des cavités appropriées aux racines des dents, grandes pour les grandes, petites pour les petites, cela me paraît aussi l’œuvre d’une admirable équité. Il n’y a pas un artisan, ni parmi ceux qui avec des chevilles attachent des poutres les unes aux autres, ni parmi ceux qui travaillent la pierre, qui ait jamais adapté les cavités aux saillies qu’elles reçoivent avec autant de justesse que l’heureux tourbillon des atomes l’a fait pour les racines des dents. Car, quoique privé de raison, il savait, je pense, que des cavités trop larges rendraient lâche l’emboîtement des os ; que, trop étroites, elles ne laisseraient pas pénétrer jusqu’au fond les racines des dents. Et ces ligaments solides (périoste ?) qui attachent les dents aux alvéoles, principalement à la racine où viennent s’insérer les nerfs, n’est-ce pas aussi une chose admirable ? Bien plus admirable encore si c’est l’œuvre du hasard, et non celle de l’art !

Mais voici un phénomène beaucoup plus merveilleux ; lors même qu’on aurait attribué aux atomes d’Épicure et aux molécules d’Asclépiade le bonheur dont nous parlions plus haut, on se refuserait encore à l’admettre, et l’on soutiendrait que la régularité des dents est l’œuvre d’un maître équitable plutôt que celle d’un tourbillon heureux : ce phénomène que les dents inférieures correspondent exactement aux dents supérieures[1], bien que les mâchoires ne soient pas semblables, c’est la marque d’une suprême équité. Et s’il y a parité entre les dents de droite et les dents de gauche, alvéoles d’un côté et alvéoles de l’autre, racines et racines, nerfs et nerfs, ligaments et ligaments, artères et artères, veines et veines, comment me persuader encore que c’est l’œuvre du hasard et non pas de l’art ? Que le nombre des unes et des autres soit le même aux côtés droits et gauches de chacune des mâchoires, n’est-ce pas là aussi la marque d’une certaine équité ? Accordons encore cela néanmoins à ces heureux atomes qui se meuvent au hasard, au dire de ces philosophes, et qui ont

  1. Cette proposition n’est pas parfaitement exacte, car dans l’état normal, chez l’homme, sur lequel Galien, dans ce moment, étudie les dents, les dents supérieures dépassent un peu les inférieures ; mais Galien, pour les besoins de sa cause, ne devait pas tenir compte de cette petite différence.