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UTILITÉ DES PARTIES DU CORPS, XI, viii.

et voyez ce qui en résultera. Supposez que les molaires soient situées en avant, les incisives et les canines en arrière, et examinez quelle serait encore l’utilité de ces dents, quelle serait celle des dents larges. Toutes les autres qualités si habilement combinées par la prévoyance des atomes ne seraient-elles pas anéanties par cette seule erreur dans la disposition des dents ? Si quelqu’un réglait selon la mesure un chœur de trente-deux danseurs, on le louerait comme un homme habile. Et la nature qui a disposé avec tant d’harmonie cet ensemble de dents n’obtiendra-t-elle pas nos éloges ?

Si vous voulez, ne nous contentons pas d’attribuer au bonheur des atomes la création de dents, les unes aiguës, les autres émoussées, celles-ci polies, celles-là raboteuses, d’autres grandes ; admettons en outre que leur disposition si heureuse se soit effectuée sans art, c’est encore une concession que nous faisons ; mais que dirons-nous des racines ; n’en voit-on pas une seule aux petites dents, deux aux dents plus fortes, et trois ou quatre aux plus grandes ? Car ici encore par un hasard merveilleux le concours des atomes a produit une œuvre d’art, comme si le Créateur le plus équitable les eût dirigés.

Si, parmi les molaires, celles du milieu sont les plus grandes, et celles de chaque côté d’une dimension moindre, n’est-ce pas encore une disposition admirable des atomes ? Car il ne fallait pas, je pense, que la partie interne (profonde ?) de la cavité buccale, qui, ainsi que la partie antérieure, est plus étroite, eût des dents aussi larges que la partie moyenne, laquelle est la plus large eu égard aux joues. En effet, il eût été injuste de fixer aux parties étroites de la bouche les grandes dents, et aux parties larges les petites. En outre, la langue, ayant besoin d’être plus large à sa racine, comme je l’ai démontré (voy. plus loin, chap. x), il était préférable que les grandes dents ne fussent pas situées à cet endroit.

Et ces minces prolongements des os de chaque mâchoire que l’on nomme râteliers (φατνίαalvéoles des modernes)[1], par analogie avec les râteliers qui servent aux troupeaux, n’est-ce pas encore là une œuvre admirable du hasard ? Elles enveloppent cha-

  1. Voy. la Dissertat. sur les termes anatomiques.