Page:Galien-Oeuvres anatomiques physiologiques et médicales-T1-1854.djvu/69

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
37
EXHORTATION A L'ÉTUDE DES ARTS.

Mais les athlètes s’étudient à faire tout le contraire ; ils se fatiguent outre mesure, se gorgent de nourriture, et s’efforcent avec une fureur qui ressemble à celle des corybantes de mettre en défaut les paroles du divin vieillard. Traçant les règles du régime salutaire, Hippocrate (Epid., VI, 6, 2, t. V, p. 324) dit : « Fatigues, nourriture, boissons, sommeil, plaisirs de l’amour, que tout soit modéré[1]. »

Mais les athlètes se fatiguent chaque jour avec excès aux exercices, se remplissent de mets, se forcent pour manger, et prolongent souvent leurs repas jusqu’au milieu de la nuit[2]. Aussi pourrait-on leur adresser avec justice ces paroles :

« Les Dieux et les hommes qui combattent à cheval dorment pendant toute la nuit, domptés par un sommeil paisible ; mais le sommeil ne visite pas les misérables athlètes[3]. »

Iliad., XXIV, 677-9.

La même mesure qui préside à leurs exercices et à leurs repas règle aussi leur sommeil. En effet, à l’heure où les gens qui vivent selon les lois de la nature quittent le travail pour prendre leur repas, les athlètes se réveillent. Leur vie se passe comme celle des porcs, à cette exception près, cependant, que ceux-ci ne se fatiguent pas outre mesure, et ne se forcent pas pour manger[4],

  1. La modération en toutes choses est le fond de toute hygiène comme de toute philosophie ; aussi est-elle recommandée sous toutes les formes dans les écrits des anciens et des modernes.
  2. « On les voit, dit Galien (Utrum medic. sit an gymn. hyg., xxxii, t. V, p. 879), passer toute leur vie à tourner dans un cercle, ou à manger, ou à boire, ou à dormir, ou à décharger leur ventre, ou à se rouler dans la poussière et dans la boue. »
  3. Le dernier vers d’Homère est :

    Ἀλλ᾿ οὐκ Ἑρμείαν ἐριούνιον ὕπνος ἔμαρπτεν.

    Pour l’accommoder à son sujet, Galien l’a changé en celui-ci :

    Ἀλλ᾿ οὐκ ἀθλητὰς κακοδαίμονας ὕ. ἔμ.

  4. Voy. Athénée, Deipnosoph., X, i-vii. — Potter, dans ses notes sur le Pédagogue de Clément d’Alexandrie (t. I, p. 163), a cité plusieurs textes qui se rapportent à cette ingurgitation forcée d’aliments et de boissons (ἀναγκοφαγία et ἀναγκοσιτία), et il a rappelé quelques exemples de voracité remarquables des athlètes, entre autres de Milon et de Théagène. — Voy. aussi, sur le régime des athlètes, leur voracité et la pesanteur de leur esprit, Faber, Agonisticon, III, i et suiv.