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EXHORTATION A L'ÉTUDE DES ARTS.

on eut dit des épouvantails[1] ; Phryné seule parut plus belle, car, elle seule possédait une beauté naturelle, sans fard, et qui n’avait pas besoin de détestables artifices.

Ainsi comme la vraie beauté doit être appréciée par elle-même et débarrassée de tous les ornements factices, de même, il faut examiner uniquement si la profession d’athlète renferme en elle-même quelque utilité publique pour l’État, ou privée pour celui qui l’exerce.


Chapitre xi — Que les athlètes ne possèdent ni les biens de l’âme, ni ceux du corps, ni les biens extérieurs. — Leur âme est noyée dans un bourbier de chair et de sang ; leur corps est soumis à toutes sortes d’infirmités par suite des excès de tout genre auxquels ils se livrent.


Il y a dans la nature les biens de l’âme, ceux du corps et les biens extérieurs[2] ; on ne saurait imaginer aucune autre espèce de biens. Les athlètes n’ont jamais joui des biens de l’âme, pas même en songe ; cela est tout à fait évident ; car bien loin de savoir si leur âme est raisonnable, ils ignorent même s’ils en ont une. Comme ils amassent une grande quantité de chair et de sang[3],

  1. Μορμολυκεῖον signifie proprement un masque d’acteur ; mais ce mot a servi ensuite à désigner un épouvantail, c’est-à-dire tout ce qui cause de vaines terreurs (voy. le Très. grec).
  2. C’est une division tout aristotélique des diverses espèces de biens, ainsi que le remarque Willet. Il faut ajouter avec Cicéron (De Finib., II, xxi) : « Pugnant Stoïci cum Peripateticis. Alteri negant quidquam esse bonum, nisi quod honestum sit ; alteri plurimum se et longe, longeque plurimum tribuisse honestati, sed tamen et in corpore et extra statuisse quædam bona. » — « Et certamen honestum, — s’écrie Cicéron, — et disputatio splendida ! Omnis est enim de virtutis dignitate contentio ! »
  3. Cette surcharge de chairs et de sang se faisait particulièrement remarquer chez les athlètes qui s’exerçaient à la lutte, au pancrace et au pugilat, car les coureurs devaient être au contraire légers et agiles. Les monuments antiques représentent souvent cet embonpoint démesuré (voy. par exemple Krause, Gymn. und Agon. der Hellenen, pl. 17 et 18, et t. II, p. 658). Cet excès d’embonpoint ou d’εὐεξία était précisément la cause des maladies fatales auxquelles les athlètes étaient sujets, ainsi qu’Hippocrate (Aph., I, 3) et Aristote, dans ses Problèmes (I, 28), l’ont remarqué. « Quand les vaisseaux, dit Galien (Comm. I in Aph. Hipp., § 3, t. XVII², p. 363), sont remplis outre mesure par les boissons ou les aliments, il y a danger qu’ils se rompent ou que la chaleur naturelle elle-même soit étouffée ou éteinte ; cela est arrivé à plusieurs athlètes qui sont morts