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UTILITÉ DES PARTIES DU CORPS HUMAIN, X, iii-iv.

mais les objets de couleur sombre et foncée ne les incommodent pas. Si l’on veut voir de loin par un jour brillant, on place ses mains au-dessus des yeux, sur les sourcils mêmes ; ou l’on se sert de quelque objet plus large que les mains et qui abrite mieux[1]. Dans les grandes éclipses de soleil, les étoiles apparaissent par la même raison, fait que Thucydide[2] mentionne comme étant arrivé de son temps. En outre, au fond des puits[3] on aperçoit les étoiles, surtout quand le soleil n’est pas à son midi. Et cependant si l’on voulait contempler le soleil même sans cligner des yeux, on perdrait bientôt la vue, et dans les éclipses beaucoup de gens qui voulaient prendre une connaissance plus exacte du phénomène, en tenant les yeux fixés sur le soleil, sont devenus complètement aveugles sans s’en apercevoir[4]. Si vous n’en croyez pas Xénophon, vous pouvez apprendre par expérience combien un voyage dans des pays de neige est pernicieux pour les yeux. Vous plaît-il de connaître ce qui est encore plus du ressort de la physique, placez une torche allumée ou quelque autre substance enflammée en face d’un soleil brillant, vous la verrez s’évanouir à l’instant. Placez auprès de quelque large flamme une lampe ou une autre flamme moindre, elle est comme éteinte aussitôt, la lumière plus faible étant toujours vaincue et dissipée par la lumière plus forte.

  1. On peut rapprocher de ce passage celui où Aristote (De gener. anim., V, i fine) dit que, soit en mettant sa main devant les yeux, soit en se servant d’un tube, on ne juge ni mieux ni plus mal de la différence des couleurs, mais qu’on voit de plus loin. — Les astronomes arabes faisaient un fréquent usage de ces tubes pour leurs observations. Voy. de Humboldt, Kosmos, t. III, p. 60 suiv., et dans les Remarques, note 5, p. 106 suiv.
  2. De bello pelop., II, xxviii.
  3. Aristote (l. l.) dit aussi qu’en plein jour on voit quelquefois les étoiles au fond des puits ou des fosses ; et il ajoute un peu plus loin que les yeux à fleur de tête voient moins bien que les yeux enfoncés, parce que dans le premier cas la faculté visuelle se dissipe moins aisément et moins vite que dans le second où elle se dirige en droite ligne et en faisceau pendant quelque temps.
  4. À la suite de deux éclipses observées à Paris, j’ai vu, soit à l’hôpital, soit en ville, plusieurs personnes attaquées d’ophthalmies très-graves, pour avoir regardé le soleil à l’œil nu. — Cf. aussi Hoffmann (l. l., p. 226) qui rapporte plusieurs exemples de personnages qui ont perdu la vue pour avoir regardé directement le soleil.