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DES YEUX ET DE LEURS ANNEXES.

coup une lumière plus éclatante et plus vive, vous auriez eu tort de l’environner d’une tunique si brillante qui, pour elle, eût été un fléau domestique. Ainsi n’a pas agi le Créateur des animaux. Mais grâce à sa prévoyance, d’abord la cornée a reçu des aliments, puis elle n’est jamais en contact avec le cristallin ; enfin elle ne laisse pas échapper la lumière.

Tous ces résultats, c’est par un seul moyen que le Créateur les a obtenus. Je vous le ferais peut-être connaître, ô habile accusateur de la nature, si je ne savais, à n’en pas douter, que vous attaquerez ces opinions reçues sur la vue. Mais supposez que vous n’en avez rien entendu, que je n’ai pas dit tout à l’heure que la substance visuelle est lumineuse, faites comme si elle était inexprimable et inconnue, et si vous voulez, apprenez à la connaître par ses effets mêmes. Ou plutôt, rappelez-vous comment une lumière vive et brillante fatigue les yeux.

Peut-être ignorez-vous à quel point furent incommodés les soldats qui marchaient, sous la conduite de Xénophon[1] par des chemins couverts d’une neige épaisse ; car je ne serais pas étonné que vous n’ayez pas souci des écrits de cet historien.

Vous ignorez également, je pense, que Denys, tyran de Sicile, avait fait élever au-dessus de la prison et enduire de plâtre une pièce d’ailleurs très-brillante et très-éclatante ; qu’après un long séjour au fond des cachots, il y faisait monter les prisonniers ; plongés si longtemps dans d’épaisses ténèbres, et revoyant un jour brillant, ils devaient contempler la lumière avec ravissement, mais ils perdaient bientôt les yeux, ne pouvant supporter l’éclat soudain d’une lumière éblouissante.

Laissant donc ces récits, je tâcherai de vous rappeler des faits journaliers. Voyez d’abord les peintres, surtout lorsqu’ils peignent sur des toiles blanches, comme leur vue se fatigue aisément, si elle est dépourvue de tout préservatif. Dans cette prévision, ils disposent des couleurs bleuâtres et foncées, et en y jetant les yeux de temps à autre, ils reposent leur vue. Voyez encore les gens atteints d’ophthalmie : la lumière accuse leur mal et les gêne,

  1. Cyropédie IV, v ; cf. particul. § 13. Voy. aussi Hoffmann, l. l., p. 225. — Il ne paraît pas que le trait de cruauté raffinée que Galien attribue à Denys, tyran de Sicile, ait été rapporté par un autre auteur.