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EXHORTATION A L'ÉTUDE DES ARTS.

moins que vous ne méprisiez les témoignages que j’invoque, comme indignes de votre confiance. Vous me laissez, en effet, soupçonner une pareille intention lorsque vous en appelez au témoignage de la multitude et que vous invoquez les suffrages qu’elle accorde aux athlètes. Mais vous-mêmes, quand vous êtes malades, vous ne vous mettez pas, je le sais, entre les mains de la foule, vous vous confiez au contraire à quelques hommes d’élite, et encore, parmi ceux-ci, vous choisissez le médecin le plus habile. Quand vous êtes sur mer, vous ne donnez pas le gouvernail aux passagers, mais au pilote seul ; de même, pour les choses de moindre importance, on a recours au charpentier si on bâtit, et au cordonnier si on a besoin de chaussures[1]. Comment se fait-il donc que dans une affaire aussi importante que celle dont il s’agit, vous revendiquiez pour vous seuls le droit de juger, et que vous l’ôtiez à ceux qui sont plus sages que vous ? Car je veux bien dans ce moment ne pas parler des Dieux. Écoutez donc le sentiment d’Euripide sur les athlètes :

« Mille maux affligent la Grèce, il n’en est pas de plus grand que la race des athlètes ! D’abord ils n’apprennent, ni ne pourraient apprendre à mener une vie honnête. Comment, en effet, un homme esclave de sa bouche et dominé par son ventre pourrait-il amasser quelque argent pour nourrir son vieux père ? Ils ne sont donc capables ni de souffrir le besoin, ni de surmonter l’adversité ; habitués aux mauvaises mœurs, ils se tirent difficilement d’embarras. »

Autolyc. Fragm. 281, 1, ed. Dind., Oxon., 1851.
  1. Wyttenbach, dans sa Bliblioth. critique, t. II, part. II, p. 109, est d’avis que ce passage a été emprunté au premier Alcibiade de Platon. « Hæc tamen similia sunt iis, quæ apud Platonem disputantur, Alcib., I, ut inde sumpta esse appareat. » Il est vrai qu’au commencement du dialogue, Socrate cherche à convaincre Alcibiade que ce n’est pas de la foule qu’on apprend ni la notion du juste et de l’injuste, ni toutes les idées qui regardent l’homme et les choses ; mais les paroles ne sont pas du tout semblables, et je trouve une bien plus grande analogie entre les réflexions de Galien et le passage suivant de Xénophon (Mem. Socr,, III, iii, 9) : « Socrate. Certes, tu sais que dans toutes les choses de la vie, on se fie de préférence à ceux qu’on regarde comme les meilleurs ; ainsi, en cas de maladie, on se remet surtout entre les mains de celui qu’on estime être le médecin le plus excellent ; sur mer, on se confie au meilleur pilote, et pour les travaux de la terre, au meilleur agriculteur, etc. » Voyez aussi Lucien, Hermotim., lii, t. I, p. 993-4.