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EXHORTATION A L'ÉTUDE DES ARTS.

procure un grand renom auprès de la multitude, et que nos ancêtres honoraient, aux frais de l’État, par des distributions journalières d’argent[1], qui est même estimé à l’égal des positions les plus illustres[2], ne séduise quelques-uns d’entre vous, jusqu’au point de vous le faire préférer à un art véritable. Je crois donc devoir vous mettre en garde contre cette profession, car on se laisse facilement égarer dans les choses sur lesquelles on n’a pas réfléchi.

L’homme, jeunes gens, tient à la fois des Dieux et des animaux sans raison, des premiers comme être raisonnable, des seconds comme être mortel. Le mieux est donc de s’attacher aux rapports les plus nobles et de prendre soin de son éducation ; si on réussit on acquiert le plus grand des biens ; si on échoue on n’a pas la honte d’être au-dessous des animaux les plus inutiles. Si les exercices athlétiques manquent leur but, c’est un affront ; s’ils l’atteignent, on ne l’emporte même pas sur les brutes. Qui est plus vigoureux qu’un lion ou qu’un éléphant ? Qui est plus rapide à la course qu’un lièvre ? Qui ne sait que les Dieux eux-mêmes sont honorés seulement à cause des arts qu’ils ont exercés ? On ne décerne pas non plus aux personnages illustres les honneurs divins pour avoir bien couru dans le stade, lancé le disque, ou lutté

  1. On voit par Diogène de Laerte (I, ii, 8) que déjà Solon avait été obligé de réduire les récompenses en argent qu’on donnait aux athlètes, et qu’il avait établi une règle de proportion, suivant l’importance des jeux et des exercices, attendu qu’il est absurde d’élever ces récompenses, et qu’on doit le faire seulement pour ceux qui meurent en combattant, et dont les enfants doivent être nourris aux frais de l’État. — Les athlètes étaient en tel honneur en Grèce, que Cicéron a pu dire (Pro Flacco, xiii) des vainqueurs au pugilat dans les jeux olympiques : « Hoc est apud Græcos… prope majus et gloriosius esset quam Romæ triumphasse. »
  2. Voy., sur les honneurs rendus aux athlètes, Faber, Agonisticon, I, iii, et passim, II, ix-xiii ; xvii-xx ; xxii-xxv et xxvii : III, i. Mais l’auteur montre peu de critique en ne distinguant pas assez les diverses époques de l’histoire, les différents pays, et les genres variés d’exercices et d’honneurs, et en n’apportant pas assez de discernement dans le choix des textes. — Mercuriali (De re gymn., I, iii) et Faber (libr. laud. iii, init.), ont rapporté aux athlètes un texte de Pline (XVI, liii : Ludos ineunti semper assurgi etiam a Senatu, etc.), qui évidemment, dans la pensée de l’auteur, regarde ceux qui ont reçu une couronne pour avoir rendu quelque service éclatant à l’État. — On pourra consulter aussi O. Falconerius (Inscript. athlet., dans Gronovius, t. VIII, p. 2295 et suiv.).