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EXHORTATION A L'ÉTUDE DES ARTS.

qu’il leur manque tout ce qui sert à la pratique de la vie[1]. La beauté n’est pas même un moyen de s’enrichir, quoi qu’en disent quelques hommes pervers ; car on retire un gain honnête, glorieux et sûr de l’exercice d’une profession ; mais celui que rapporte le trafic de son corps et de sa beauté est infâme, et tout à fait répréhensible. Le jeune homme doit donc se conformer à cet ancien précepte[2] : Qu’il se regarde au miroir, et s’il est doué d’un beau visage, qu’il s’efforce de mettre son âme en harmonie avec son corps, persuadé qu’il est absurde qu’une âme déshonnête habite dans un beau corps ; s’il trouve, au contraire, son corps difforme, qu’il cherche avec d’autant plus de soin à orner son âme, afin de pouvoir dire avec Homère :

« Un homme peut être inférieur en beauté, mais un Dieu orne sa laideur par les dons de l’éloquence ; on se tourne vers lui, on le regarde avec attention ; il parle avec assurance et avec une aimable modestie ; il brille au milieu de l’assemblée, et quand il parcourt la ville, on le contemple avec admiration comme une divinité. »

Odyssée, VIII, 169-173.

De tout ce qui vient d’être dit, il résulte évidemment pour ceux qui n’ont pas perdu tout à fait la raison, qu’il ne faut se prévaloir ni de la naissance, ni de la richesse, ni de la beauté, pour négliger la culture des arts.

Ce qui précède suffirait ; mais je trouve mieux d’y ajouter une

  1. « La beauté et la force du corps, quand elles sont le partage d’une âme lâche et vicieuse, sont tout à fait déplacées ; elles ne font que mettre plus en évidence celui qui les possède et signaler davantage sa lâcheté. » Platon, Menex., p. 246 e.
  2. Ce précepte est de Socrate. Plutarque (Præcept. conjug., p. 141 d) le rapporte en ces termes : « Socrate ordonne aux jeunes gens de se regarder au miroir, afin de s’embellir par la vertu, s’ils sont laids, et s’ils sont beaux, de ne pas souiller leur beauté par les vices. » Voy. aussi Diog. de Laert., II, v. 16. — Phèdre (III, 7) a mis cette pensée en apologue. Le précepte de Socrate était si connu dans l’antiquité que Galien dit, sans nommer l’auteur : Χρὴ τοίυν τὸν νέον, πειθόμενον τῷ παλαιῷ παραγγέλματι. De même, Phèdre commence sa fable par ces mots : Præcepto monitus. — Sénèque, dans ses Questions naturelles, I, xix, a également paraphrasé l’apophthegme de Socrate sans nommer ce philosophe, et il ajoute que les miroirs ont été inventés pour que l’homme se connût mieux.