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DE LA TÊTE, DE L’ENCÉPHALE, DES SENS.

Pour la raison opposée, le nerf de la langue (cf. IX, viii) est plus mou (car la nature avait là, comme moyen de protection, la bouche qui l’enveloppe), bien que nous ayons placé au quatrième rang ce sens, qui ne peut distinguer ni les qualités de la lumière, ni le mouvement de l’air, ni même les exhalaisons. Du reste, la langue a reçu ce nerf tel qu’elle devait le recevoir, vu la sécurité de sa position. Quant au nerf auditif, il a été disposé plutôt pour résister aux lésions que pour bien percevoir, à cause des motifs énoncés.

Le dernier sens, celui de l’odorat, a été placé, seul entre tous, en dedans du crâne, dans les ventricules mêmes antérieurs de l’encéphale, qui renferment un pneuma vaporeux. Il fallait, en effet, que le corpuscule qui doit causer la sensation modifiât aussi une portion de l’encéphale ; il fallait encore que le sensorium fût entouré d’une membrane telle qu’elle pût le protéger et ne pas intercepter le passage des objets sensibles ; mais, pour ne pas produire cet effet, elle devait être plus rare que celle de l’ouïe, dans la même proportion que l’objet perçu par cette dernière est plus grossier que l’objet perçu par l’odorat. En effet, autant l’air est inférieur à la lumière pour la ténuité des parties, autant presque l’air le cède aux exhalaisons.

On peut aussi voir, par ce que nous observons chaque jour, combien larges doivent être nécessairement les conduits (orif. glandul.) qui percent la membrane [pituitaire ?] de cette partie. En effet, si un corps vient à obstruer les narines, comme dit Platon en quelque endroit (Timée, voy. note)[1], aucune odeur n’est tamisée à travers

  1. « Par rapport au sens dont les narines sont l’organe, dit Platon (Timée, p. 179, de l’éd. de M. H. Martin), il n’y a point d’espèces déterminées ; car toute odeur est une chose à moitié formée, et il n’y a aucune espace de corps dont les proportions soient telles qu’il ait une odeur quelconque. Les vaisseaux [voy. Dissertation sur l’anatomie de Galien] qui nous servent pour l’odorat sont trop étroits et trop resserrés pour les parties de terre et d’eau, et trop larges pour celles de feu et d’air, de sorte que jamais personne n’a trouvé à ces parties aucune odeur. Mais les odeurs naissent toujours de corps qui se mouillent, se putréfient, se fondent ou se volatilisent. En effet, quand l’eau se change en air ou l’air en eau, les odeurs se forment comme intermédiaires entre ces deux corps, et toutes sont de la fumée ou de la vapeur ; ce qui passe de l’état d’air à celui d’eau, c’est de la vapeur ; ce qui passe de l’état d’eau à celui d’air, c’est de la fumée. Ainsi, les odeurs sont toutes plus déliées que l’eau et plus grossières