Page:Galien-Oeuvres anatomiques physiologiques et médicales-T1-1854.djvu/571

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
539
DE LA TÊTE, DE L’ENCÉPHALE, DES SENS.

épient les ennemis ou les brigands se postent sur des murailles, sur des tours élevées ou sur des montagnes. Les matelots aussi, qui grimpent sur les mâts, aperçoivent la terre plus tôt que les passagers. D’une hauteur, en effet, on aperçoit le paysage plus étendu que dans une plaine. Chez les animaux en question, qui ont pour derme une écaille dure, il était possible d’établir solidement, sur un col allongé, les yeux, formés eux-mêmes d’une substance dure, et susceptibles d’être recouverts par une tunique issue du derme et aussi dure que lui. Pour l’homme et les autres animaux qui lui ressemblent, destinés nécessairement à avoir le système des yeux mou, à cause de la substance du corps et aussi de la tunique qui les recouvre, tunique aussi molle que toute la peau, il était plus dangereux de placer en saillie les yeux sur des cols allongés : car chez les crustacés eux-mêmes, les yeux ne sont pas toujours saillants, mais rentrent dans leur cavité ; et si ces animaux redoutent l’approche de quelque ennemi, si même l’action des yeux leur devient inutile, ils les rentrent dans la poitrine et les laissent tranquillement reposer, la nature ayant en cet endroit disposé pour eux un abri. Pour nos yeux, les établir en un lieu bas était contraire à l’utilité qu’ils présentent ; les fixer sur un col nu n’était pas sans danger, et la nature ne voulant ni les priver d’une partie de leur utilité, ni abolir leur sécurité, à imaginé de les établir dans un lieu élevé et propre en même temps à les protéger. Au-dessus d’eux elle a placé les sourcils, au-dessous elle a avancé en saillie la joue, à leurs côtés internes elle a disposé le nez, et aux côtés externes l’apophyse dite zygomatique. Mais la tête n’est pas constituée par la réunion de ces parties, car celles-ci peuvent exister sans la tête.

Quelle nécessité y avait-il donc à établir en cet endroit les autres parties dont l’assemblage est nommé tête ? Chacun des sens a besoin d’un nerf mou : d’un nerf, parce qu’il est organe de sensation ; d’un nerf mou, parce que le sens doit être disposé et affecté d’une certaine façon par l’objet extérieur, pour que la sensation ait lieu (cf. plus loin, chap. vi, et IX, xiv). Or, le mou est plus propre à subir une impression, et le dur à agir. C’est pourquoi des nerfs mous étaient nécessaires aux sens, et des nerfs durs à toutes les autres parties. Aussi, dans les sens mêmes qui sont mus par la volonté, comme les yeux et la langue, il existe des nerfs de deux