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UTILITÉ DES PARTIES DU CORPS HUMAIN, VIII, iii.

de croire que le cœur n’est pas suffisamment rafraîchi par l’air seul et qu’il a besoin encore d’un viscère qui est loin d’être aussi froid que l’air, et qui, fût-il plus froid encore que cet air, ne saurait, vu son éloignement et vu le nombre et la densité des corps interposés, lui transmettre de la fraîcheur. Mais, au nom des Dieux, quand on voit l’air pénétrer par le poumon jusqu’au cœur, ou sinon l’air, du moins sa qualité [accidentelle, c’est-à-dire le froid radical], et cela continuellement, sans relâche, comment imaginer que pour tempérer sa chaleur, il a encore besoin d’un autre secours. S’il en a encore besoin, il valait bien mieux dire que cette réfrigération lui est fournie par le poumon, en l’attribuant soit à la substance molle de ce viscère, comme le fait Platon (Timée, p. 70. Cf. VI, ii, p. 382), soit à sa nature froide, car rien n’empêche de hasarder de telles assertions, quand une fois on a osé dédaigner le témoignage des sens.

Si donc, en ne se rapportant qu’au toucher, on peut démontrer que le poumon est chaud et s’il faut admettre, en s’en fiant aussi au toucher, que le cœur l’est également, comment ne croirait-on pas que l’encéphale est plus chaud que l’air, quand c’est la mort pour lui que de devenir froid comme l’air[1] ? Comment l’encéphale est-il capable de rafraîchir le cœur et comment le cœur n’est-il pas bien plutôt capable de réchauffer le cerveau qui est placé au-dessus de

  1. Τούτῳ (τοῦτο 2154) γὰρ ἂν ἔτι δείζειέ τις θερμὸν τὸν πνεύμονα μὴ πιστεύων τῇ ἁφῇ (τὴν ἁφὴν, ibid.), τῷ δὲ ἂν ἔτι καὶ αὐτὴν τὴν καρδίαν εἴν πιστεύων (πιστευτέον αὐτὴν, ibid.), πῶς ὀυχὶ καὶ ἐγκέφαλος (—λον ibid.) θερμότερος (—ρον ibid.) ἀέρος, ᾧ γε καὶ θάνατός, ἐστιν ὁμοίως ἀέρι γενέσθαι ψυχρῷ ; Tel est le texte vulgaire de ce passage extrêmement embarrassant ; j’ai mis entre parenthèse les leçons du manuscrit 2154, leçons qui sont presque toutes évidemment mauvaises, et qui ne facilitent en rien l’interprétation. Daleschamps traduit : « Car si quelqu’un monstre au toucher d’un tel personnage (de celui qui n’ajoute pas foi aux sens), que le cerveau est chaud, et il ne le croit, pourquoy croira-il plustost du poulmon, et du cœur. De plus comment le cerveau ne seroit-il pas plus chaud que l’air, veu que c’est un accident mortel quand il est refroidy autant que l’air. » À la marge de cette traduction, on lit : Ce passage est restitué au grec et au latin. Je ne sais où Daleschamps a pris sa restitution ; je n’en trouve point de traces dans aucun manuscrit, et d’ailleurs elle ne fournit pas un sens régulier. Comme ce passage me paraît jusqu’à présent désespéré, j’ai tâché, sans trop m’écarter du grec, de trouver une interprétation qui fût autant que possible en harmonie avec la suite du raisonnement.