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EXHORTATION A L'ÉTUDE DES ARTS.

Polynice : « Il est mauvais de ne rien posséder ; ma noblesse ne me nourrissait pas. »

Euripide, Phenic., v. 404-5.

C’est un beau trésor, dit Platon, que les vertus de ses aïeux[1] ; mais il est encore plus beau de pouvoir lui opposer ce vers mis dans la bouche de Sthénélé (Iliade, IV, 405) :

« Nous nous glorifions de valoir beaucoup mieux que nos pères. »

Car si la distinction du rang sert à quelque chose, ce doit être seulement à nous rendre jaloux de suivre les exemples traditionnels de la famille ; quand nous dégénérons beaucoup de la vertu de nos ancêtres, ils doivent en éprouver un grand déplaisir, s’il reste quelque sentiment aux morts[2] ; et pour nous-mêmes, le déshonneur est d’autant plus grand que nous sommes d’une plus noble race[3]. Les hommes ignorants, mais d’une extraction tout à fait obscure, ont au moins cet avantage que la multitude ne les connaît pas tels qu’ils sont ; lorsqu’au contraire l’illustration et la distinction de l’origine ne permettent pas de se tenir cachés, que doit-on espérer de cette condition, si ce n’est l’éclat du déshonneur ?

Ceux qui se montrent indignes de leurs ancêtres ont droit à moins d’indulgence que les autres ; si donc un homme pervers se vante de sa naissance, il rend par cela même ses méfaits d’autant plus impardonnables. En effet pour juger les gens du commun, nous n’avons ni les mêmes épreuves, ni la même pierre de touche que pour les personnes d’une illustre lignée.

  1. « Hériter de la renommée de ses pères est un beau et très-précieux trésor ; mais dépenser ce trésor de richesses et de gloire, faute de l’avoir augmenté par ses propres ressources et par sa propre illustration, ne pas le transmettre à ses descendants, c’est honteux et indigne d’un homme. » Platon, Menex., p. 247 b. — Plus haut, dans le même Dialogue (p. 247 a), Platon dit encore : « Que vos premiers, que vos derniers efforts, que toute votre ardeur tendent donc toujours et de toute manière (διὰ παντὸς πᾶσαν πάντως προθυμίαν) à élever votre gloire au-dessus de la nôtre et de celle de vos ancêtres. »
  2. On lit dans le Ménexène de Platon (p. 248 b-c) une phrase presque toute semblable : « S’il reste aux morts quelques sentiments pour les vivants, nous éprouverons surtout un grand déplaisir de savoir que nos parents se tourmentent et gémissent de leur sort ; nous nous réjouirons au contraire de les voir supporter leur malheur avec résignation et modération. »
  3. « Majorum gloria posteris lumen est, neque bona, neque mala in occultis esse patitur. » (Salluste, Jugurtha, lxxxv.)