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EXHORTATION A L'ÉTUDE DES ARTS.

d’argent, mais ils ne s’occupent pas d’eux-mêmes[1]. N’est-il pas honteux qu’un esclave soit estimé quelquefois dix mille drachmes quand le maître n’en vaut pas une ? Mais que dis-je une[2] ; on ne le prendrait même pas à son service pour rien. Peut-être de tels gens se méprisent-ils eux-mêmes, puisque seuls ils n’ont appris aucun art[3] ? En effet, quand on les voit former des brutes à diverses industries, ne vouloir à aucun prix d’un esclave paresseux et ignorant, s’efforcer de tenir leurs champs et leurs autres possessions dans le meilleur état possible, mais se négliger eux-mêmes et ne pas savoir s’ils ont une âme ou s’ils n’en ont pas, n’est-il pas évident qu’ils ressemblent au plus vil des esclaves ? C’est avec justice, qu’à de telles gens, si on en rencontre, on pourrait adresser ces paroles : O hommes ! vos maisons, vos esclaves, vos chevaux, vos chiens, vos champs et tout ce que vous possédez est dans un état florissant, vous seuls êtes incultes ! Démosthène et Diogène[4] avaient raison, le premier en appelant « moutons chargés d’une toison d’or » les riches ignorants ; l’autre en les

  1. Une phrase presque analogue se trouve dans Xénophon, Mem. Socrat., I, 5, 2.
  2. S. Clément d’Alexandrie (Pædag., III, vi), dans un chapitre où il établit que le chrétien seul est riche, a une invective toute semblable contre les mauvais riches ; il ne les compare pas même à leurs esclaves, mais à leurs chevaux.
  3. Dans les Mémorables de Xénophon (I, ii, 59), on lit cette belle parole de Socrate : « Ceux qui ne sont utiles à rien, ni par les paroles, ni par les actes, et qui ne peuvent rendre aucun service ni à la guerre, ni à la ville, ni dans leur propre maison, doivent être éloignés de toute façon, surtout s’ils sont en outre présomptueux, lors même qu’ils possèdent de très-grandes richesses. » — Sappho dit aussi (Fragm., 83, ed. Bergk) : « La richesse sans la vertu n’est pas un hôte inoffensif, mais la réunion des deux avantages est le comble du bonheur. »
  4. Wyttenbach (Biblioth. crit., t. II, pars IIe, p. 108, et t. III, pars ult., p. 57-8) n’a pas retrouvé de traces de cet apophtegme dans les ouvrages de Démosthène. Mais, comme ce critique éminent le remarque, dans les citations de cette nature les auteurs se trompent très souvent de nom, quelquefois même ils les inventent. Ne serait-il pas possible que Διογένης (Diogène le Cynique) fut une correction pour Δημοσθένης que portait un manuscrit ? Les deux noms auraient ensuite passé dans le texte. — Quant à Diogène, son homonyme de Laerte (VI, ii, 47) lui prête ce mot : Τὸν ἀμαθῆ πλούσιον πρόβατον εἶπε χρυσόμαλλον. Dans Galien il y a χρυσᾶ πρόβατα. Socrate (dans Stobée, Florileg., tit. iv, no 85, p. 57), en apercevant un jeune homme riche mais ignorant, s’écria : « Vous voyez un esclave d’or. »