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EXHORTATION A L’ÉTUDE DES ARTS.

au milieu des naufrages. Ainsi Aristippe[1], pendant un voyage sur mer eut son vaisseau brisé par la tempête ; jeté sur les côtes de Syracuse, il fut bientôt rassuré en voyant tracées sur le sable des figures géométriques : il pensa qu’il venait d’aborder chez des Grecs, chez des sages et non chez des barbares ; il se dirige du côté du gymnase des Syracusains et à peine avait-il prononcé ces vers :

« Qui accueillera maintenant avec une chétive aumône Œdipe aujourd’hui errant ? »

Sophoc., Œd. Colon., v. 3-4.

qu’on s’empresse autour de lui ; on le reconnaît, et on lui prodigue aussitôt tout ce dont il a besoin. Quelques personnes qui devaient faire voile pour Cyrène sa patrie lui ayant demandé s’il avait quelque chose à faire dire à ses concitoyens : « Ordonnez-leur, répondit-il, d’acquérir seulement les biens qui suivent le passager à la nage lorsque le vaisseau est brisé. »


Chapitre vi. — Ceux qui courent après les richesses, perdent souvent la vie pour les sauver. — Singulière contradiction de ceux qui recherchent les esclaves habiles et les animaux bien dressés, et qui se négligent entièrement eux-mêmes. — À quoi ils ont été comparés par divers philosophes.


Beaucoup de ces misérables qui rapportent tout à la richesse, lorsqu’ils se trouvent dans de pareilles circonstances, ne pensant qu’à l’or et à l’argent, se chargent de leurs trésors, les suspendent à leurs vêtements, et perdent la vie[2]. Ils ne veulent pas considérer qu’eux-mêmes, les premiers, recherchent parmi les animaux sans raison ceux qui sont les plus industrieux. Ainsi ils préfèrent à tous les autres les chevaux qui sont dressés au combat, les chiens habitués à la chasse ; ils font apprendre quelques métiers à leurs esclaves, souvent même ils dépensent en leur faveur beaucoup

  1. Cet Aristippe est le fondateur de la secte Cyrénaïque (cf. Diog. Laert., II, 8, 5). Vitruve (De Architect., VI, præf.) raconte aussi ce trait ; mais il fait aborder Aristippe à Rhodes et non à Syracuse. Diogène de Laerte (VI, i, 4) attribue à Antisthène une réponse analogue à celle qui est mise par Galien dans la bouche d’Aristippe.
  2. Willet, dans ses notes, me paraît avoir torturé ce membre de phrase en cherchant à lui trouver un sens moral ; à mon avis il signifie tout simplement que ceux qui, au milieu d’un naufrage, ne pensent qu’à ramasser leurs trésors, périssent au milieu des flots, soit pour avoir perdu un temps précieux, soit pour s’être chargés d’un poids qui les entraîne au fond de la mer.