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UTILITÉ DES PARTIES DU CORPS HUMAIN, VI, xx-xxi.

nature n’a montré ni paresse, ni imprévoyance ; mais (eux-mêmes l’accordent)[1], ayant raisonné, elle a su d’avance que le poumon du fœtus, poumon encore contenu dans l’utérus, en train de se former, exempt d’agitation, n’a pas besoin de la même organisation qu’un poumon parfait et déjà doué de mouvement ; elle a donc anastomosé le vaisseau fort, épais et dense (artère pulmonaire) avec la grande artère (aorte) et le vaisseau faible, mince et poreux (veines pulmonaires) avec la veine cave[2].

Mais ces gens ignorent complètement, et par paresse ne cherchent pas à connaître les œuvres de la nature ; car il ne faut que voir ces œuvres pour admirer aussitôt l’art qui s’y manifeste. Qui, en effet, après avoir entendu les raisonnements qu’ils emploient pour attaquer la nature, voyant de telles absurdités prévenues par un si petit expédient qu’a imaginé la nature, n’admirerait pas son habileté ? Ceux-ci vont criant que le poumon est très-maltraité si, dans l’utérus, il est régi comme à l’état parfait, ou si, étant parfait, il est régi comme dans l’utérus. Car il faut, disent-ils, au poumon respirant et doué de mouvement, une autre organisation qu’au poumon à l’état de repos. Mais la nature, sans bruit et sans fracas, montre son équité par ses œuvres mêmes. On l’admire déjà, nous le savons, à la simple audition ; mais l’admiration est moins grande lorsqu’on entend que lorsqu’on voit ; aussi faut-il examiner de soi-même ces faits et les autres rapportés ailleurs[3].

  1. Les textes imprimés, et le manuscrit 2154 portent ἡ μὲν γὰρ (φύσις) οὔτε ἀργῶς οὐτ᾽ ἀπρονοήτως· ἀλλὰ, ἅπερ οὗτοι λέγουσι, προτέρα λελογισμένη κ. τ. λ. — Ou bien il faut admettre que les mots ἅπερ οὗτ. λέγ. se rapportent maintenant au membre de phrase précédent et qu’il a été déplacé (La nature n’a montré… ni imprévoyance, comme ils le prétendent) ce qui donnerait un sens très-naturel ; ou bien on doit entendre que Galien rappelle ici ce qu’il a dit déjà très-souvent que beaucoup de gens tout en reconnaissant que la nature raisonne et n’agit pas au hasard, professent qu’elle commet cependant des fautes, ou qu’elle crée des parties inutiles ; c’est un moyen de mettre ses adversaires en contradiction avec eux-mêmes. Ce sens étant très-plausible aussi, je n’ai rien changé au texte.
  2. Il ne me paraît guère douteux qu’il ne faille trouver dans ce passage (voy. aussi p. 451) la mention du canal artériel et du trou de Botal. On ne doit pas oublier que, pour Galien, les oreillettes font partie des vaisseaux et non du cœur. Voy. du reste pour l’histoire de la circulation du fœtus, la Dissert. sur la physiologie.
  3. C’est là un des principes favoris de Galien ; mais comme certains philoso-