Page:Galien-Oeuvres anatomiques physiologiques et médicales-T1-1854.djvu/483

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
451
DES ORGANES RESPIRATOIRES.

ne respirent pas encore par la bouche. Or, ajoutent-ils, le raisonnement qui explique l’utilité de la substitution opérée dans ces vaisseaux se basait sur ce que les animaux respiraient déjà par la bouche. Il résulte donc de là, pensent-ils, que la nature n’a pas montré de prévoyance dans la création des animaux, et que nos assertions à cet égard, quoique plausibles, n’ont pas de fondement.

Il faut en partie pardonner aux hommes qui attaquent ainsi nous et les œuvres de la nature, et en partie les blâmer ; leur pardonner parce qu’ils ne subtilisent pas, qu’ils ne se trompent pas dans le raisonnement en tant que raisonnement, comme cela leur arrive si souvent ; les blâmer de leur indifférence pour l’anatomie, car c’est l’ignorance de cette science qui leur donne l’audace d’avancer de si graves erreurs. Ils agissent de la même façon que cet homme qui, comptant ses ânes, oubliait celui sur lequel il était monté et accusait ses voisins de l’avoir volé, ou que cet autre qui réclamait ce qu’il avait dans la main. Assistant un jour à un pareil spectacle, je ris beaucoup en voyant un homme plein de trouble ; il mettait en désordre et bouleversait tout dans sa maison, cherchant des pièces d’or que lui-même portait à une main, renfermées dans un morceau de papyrus. En face de ces cris exagérés, un homme calme, parlant peu, je pense, montrerait à l’un, l’âne sur lequel il est monté, et pour l’autre, il lui ferait toucher sa main gauche avec sa main droite ; j’agirai de même, je crois, vis-à-vis de mes adversaires ; s’ils ont des yeux, je leur montrerai la branche de la grande artère (aorte) et l’orifice de la veine cave (voy. p. 452, n. 2) se portant au poumon chez les animaux encore enfermés dans l’utérus ; s’ils sont aveugles, je leur mettrai dans les mains et je leur ferai toucher les vaisseaux. En effet, loin d’être petits et disposés au hasard, ils sont très-larges l’un et l’autre, et présentent intérieurement un canal considérable, dont l’existence peut être constatée, non-seulement par celui qui a des yeux, mais par quiconque possède l’organe du toucher, si l’on veut seulement s’occuper de dissection. Ces raisonneurs méritent donc plus que la nature d’être condamnés pour paresse[1]. En effet, la

  1. Voy. Hoffmann, l. l., p. 126-127, sur les lois portées dans l’antiquité contre la paresse.