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EXHORTATION A L'ÉTUDE DES ARTS.

sonnable que, délaissant le plus souvent ceux qui méritent ses faveurs, elle enrichit les plus indignes[1] ; encore n’est-ce point d’une manière durable, mais pour les dépouiller bientôt des richesses qu’elle leur a prodiguées. Une foule d’hommes ignorants courent après cette divinité qui ne reste jamais en place, à cause de la mobilité de son piédestal qui l’entraîne, et l’emporte souvent au-dessus des précipices ou des mers ; là, ses suivants tombent et périssent pêle-mêle ; seule, s’échappant saine et sauve, elle se rit de ceux qui gémissent et l’appellent à leur aide, quand tout espoir est perdu. Telles sont les œuvres de la Fortune[2].


Chapitre iii. — Portrait de Mercure le créateur de tous les arts. — Tableau de ses adorateurs.


Voyez au contraire combien sont différents de ceux de la Fortune les attributs que les peintres ou les sculpteurs ont donnés à Mercure, le maître de la raison et l’artiste universel : c’est un frais jeune homme dont la beauté n’est ni empruntée, ni rehaussée par les ornements, mais elle n’est que le reflet des vertus de son âme. Son visage est riant, ses yeux sont perçants, son piédestal a la forme la plus solide, la moins mobile, celle d’un cube[3] ; il en

  1. « Beaucoup de méchants s’enrichissent et les bons restent pauvres ; mais nous, nous ne changerons pas avec les premiers la vertu pour la richesse, car la richesse est un empêchement ; les hommes possèdent les richesses, tantôt les uns, tantôt les autres. » Solon, Fragm. 16, éd. Bergk.
  2. « Il y a, dit Platon (Gorgias, p. 448 c), parmi les hommes, une foule d’arts trouvés expérimentalement à force d’essais ; car l’expérience nous fait diriger notre vie conformément à l’art, et l’inexpérience conformément à la fortune. Les uns se livrent à un art, les autres à un autre ; les hommes les plus excellents cultivent les arts les plus nobles. » — Hippocrate dit dans la Loi : « L’inexpérience est un mauvais trésor et un mauvais fonds pour ceux qui, jour et nuit, la possèdent ; étrangère à la paix de l’âme et au contentement, elle nourrit la timidité et la témérité. »
  3. Voyez sur le développement successif du mythe, et sur les attributs de Mercure aux diverses époques de l’antiquité, Müller, Archæol. der Kunst, § 379, p. 503 ; Creuzer, Relig. de l’antiq., traduite par M. Guignaut, t. II, IIe partie, ire section, p. 678 et suiv., et iie section, notes, p. 1344 et suiv., et Gerhard, De relig. Hermarum. — Le type de Mercure n’a pas toujours été aussi honnête que nous le représente Galien ; l’idée du Dieu-voleur a précédé celle du Dieu de l’intelligence, et la première s’est ensuite peu à peu transformée en celle du Dieu des transactions commerciales.