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UTILITÉ DES PARTIES DU CORPS HUMAIN, VI, xii.

fût-on doué d’une certaine éloquence pleine d’astuce, on confessera soi-même sa mauvaise foi, on rendra hommage à la vérité, on aura alors un témoin d’autant plus digne de confiance qu’il témoigne malgré lui.

La première cause de tout ce qui se forme, comme Platon le démontre quelque part[1], est le but de la fonction (σκοπὸς τῆς ἐνεργείας). Si donc l’on demande à quelqu’un pourquoi il est venu au marché, répondra-t-il mieux si, au lieu de la cause véritable, il en déclare une tout autre ? Ne sera-t-il pas ridicule si, au lieu de dire qu’il est venu au marché pour acheter un meuble, un esclave, pour trouver un ami, ou pour vendre ceci ou cela, il néglige de faire ces réponses et réplique : c’est que j’ai deux pieds, capables de se mouvoir aisément et de se poser solidement sur le sol, et, que m’appuyant tour à tour sur l’un ou sur l’autre des susdits pieds, je me suis acheminé au marché. Il aura peut-être énoncé une cause, mais non pas la cause véritable et première ; la sienne est une cause instrumentale (ὀργανική), une des causes sans lesquelles une chose ne peut pas se faire (ὧν οὐκ ἄνευ), ou mieux, ce n’est pas une cause. — C’est de cette façon que Platon (dans le Phædon, p. 98 c-e) raisonnait avec justesse sur la nature de la cause.

Pour nous, voulant éviter une dispute de mots, nous accordons qu’il y a plusieurs espèces de causes ; la première et la principale : pourquoi une chose existe (τὸ δι᾽ὅ τι) ; la seconde, par quoi elle existe (τὸ ὑφ ᾽οὗ) ; la troisième, de quoi elle vient (τὸ ἐξ οὗ, point de départ) ; la quatrième, par quel moyen (τὸ δι᾽ οὗ) ; la cinquième, si l’on veut, selon quoi elle est faite (τὸ καθ᾽ ὅ)[2].

    l. l., p. 113-114. Je crois que c’est aller bien loin chercher des explications qui sont très-près : Adrastée était un des noms de Némésis, et dire qu’on est soumis à la loi d’Adrastée, c’est dire qu’on est soumis à cette loi, fatale, inévitable de la justice qui toujours découvre la vérité et confond les faux témoins. — Voy. du reste le Trésor grec, voce Ἀδραστεῖα.

  1. Dans le Phœdon, p. 97, là où à propos de l’opinion d’Anaxagore sur la cause première de toute chose, il discute sur l’essence des causes, et en particulier sur cette espèce divine de cause dont Galien parle dans le chapitre suivant, p. 425, et qui est l’Intelligence suprême, ou Dieu.
  2. Examinons jusqu’à quel point l’énumération des diverses espèces de causes, que Galien fait ici dans ce chapitre et ensuite dans le chapitre suivant (p. 426-7) diffère de la classification des causes établie par Aristote, tant sous le rapport