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EXHORTATION A L'ÉTUDE DES ARTS

dans ses mains, ont placé un piédestal sphérique sous ses pieds, et ont recouvert ses yeux d’un bandeau, voulant, par tous ces attributs, nous montrer son instabilité[1]. De même qu’au milieu d’une violente tempête, sur le point d’être enveloppés et engloutis par les flots, on commettrait une grande faute en confiant le gouvernail à un aveugle ; de même, au sein des naufrages qui, dans le cours de la vie, assaillent tant de familles, naufrages plus terribles encore que ceux des vaisseaux, en pleine mer, on se tromperait étrangement, ce me semble, si dans les embarras extrêmes dont on est alors environné, on attendait son salut d’une divinité aveugle et instable. La Fortune est si stupide et si dérai-

    (doute plus galant que critique !) mitiori sensu accipiendum est, ut magis congruat cum Virgiliano (Æn., IV, 570) : Varium et mutabile semper femina. » Mais on sait dans quel état d’abaissement social et de servitude domestique, la femme était réduite dans l’antiquité. Les Flores sententiarum, et bien d’autres livres, sont remplis d’épigrammes violentes contre la femme. La réhabilitation de cette plus belle partie du genre humain par le christianisme ne l’a pas encore mise à l’abri des plus injustes attaques.

  1. Le portrait de la Fortune et de ses adorateurs, par Pline (II, v, 7, texte de Sillig, 1831), est tracé avec de si vives couleurs, que je cède au plaisir de le mettre sous les yeux des lecteurs : « Toto mundo et omnibus locis omnibusque horis omnium vocibus Fortuna sola invocatur ac nominatur, una accusatur ; una agitur rea, una cogitatur, sola laudatur, sola arguitur et cum conviciis colitur ; volubilis a plerisque, a plerisque vero et cæca existumata, vaga, inconstans, incerta, varia indignorumque fautrix. Huic omnia expensa, huic omnia feruntur accepta, et in tota ratione mortalium sola utramque paginam (l’actif et le passif, le doit et avoir) facit, adeoque obnoxiæ sumus sortis ut Sors ipsa pro Deo sit, qua Deus probatur incertus. » — Lucien, dans ses Dialogues des Morts, nous rapporte cette réponse de Diogène à Alexandre, affligé de ses défaites : « Eh quoi, tu pleures, ô homme superbe ! Le sage Aristote ne t’a-t-il pas enseigné qu’il ne faut pas se fier à la stabilité de la Fortune ? » Voy. aussi Cebes, Tabula, § 8, p. 3, éd. Dübner ; Maxime de Tyr, Diss., II, § 6-7 et 14, § 7, éd. Dübner. — Pindare montre plus de confiance en ce génie, car il l’appelle soutien des villes (φερέπολις, dans Plutarque, De Fort, rom., x, p. 322 c, et Pausan. Messen., IV, xxx, p. 355). — Notre douteur Montaigne a dit (I, xxxiii) : « L’inconstance du bransle divers de la Fortune faict quelle nous doibve présenter toute espèce de visages. » Il croit, du reste, qu’il y a plus de justice expresse et plus d’à-propos dans la Fortune que dans les calculs de la raison la plus prudente et la plus droite ; un peu plus loin il appelle la Fortune un sort artiste ! — Moins habitués que nous aux idées de providence, les anciens accusaient la Fortune de tous les événements où nous voyons l’intervention de la volonté divine, et son action sur la terre.