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EXHORTATION A L'ÉTUDE DES ARTS.

Enfin, par son amour pour l’étude, il s’est acquis le plus grand des biens célestes, la philosophie[1]. Aussi, pour tous ces motifs, et malgré la participation des autres animaux à la raison, l’homme, seul entre tous, est donc appelé par excellence raisonnable (λογικός).


Chapitre ii. — Qu’il est honteux de négliger les arts pour s’attacher à la Fortune. — Portrait de cette divinité inconstante et aveugle.


N’est-il donc pas honteux de négliger précisément ce que nous avons de commun avec les dieux[2], pour nous préoccuper de toute autre chose, et de mépriser la culture des arts, pour nous attacher à la Fortune ? Afin de dévoiler la perversité de ce génie, les anciens, non contents de le représenter, soit en peinture, soit en sculpture, sous les traits d’une femme (et cela était déjà un symbole assez significatif de déraison[3]), ont mis un gouvernail

    voient, ne raisonnent pas sur les objets qui frappent leurs yeux, ne les regardent pas (οὐδὲ ἀναθρεῖ). Mais l’homme, en même temps qu’il voit, regarde et raisonne sur ce qu’il voit ; c’est donc avec justice que l’homme seul, parmi les autres animaux, a été appelé à bon droit ἄνθρωπος, c’est-à-dire qui regarde ce qu’il voit. Pour former ce mot, il n’a fallu qu’ôter un α et reculer l’accent de la dernière syllabe (καὶ βαρυτέρας τῆς τελευτῆς γενομένης). » — Voyez, du reste, sur les différentes étymologies d’ἄνθρωπος, Etymol. mag., 109, 16 ; Van Lennep, Etymol. ling. graecae, édition E. Scheidius, sub voce ; Lobeck, Paralip. ling. grœcœ, p. 118 ; Soranus, De morbis mul., édit. Dietz, p. 90 (notez en passant que ce chapitre n’est certainement pas de Soranus, mais d’un auteur chrétien). — Bien que la formation d’ἄνθρωπος soit expliquée de diverses façons, la signification radicale de ce mot est néanmoins presque toujours ramenée à celle que Platon veut y trouver.

  1. « La vue, à mon avis, dit Platon, dans son beau langage, a été pour nous la source des plus grands avantages. C’est elle qui nous a donné le désir de rechercher la nature de l’univers, d’où est née pour nous la philosophie, le plus grand bien que la race mortelle ait jamais reçu, et doive jamais recevoir de la libéralité des Dieux. Je ne pouvais taire cet avantage de la vue, le plus grand de ceux qu’elle nous procure. » (Tim., p. 47 a-b, trad. de M. H. Martin.) — Cicéron a repris et paraphrasé cette pensée de Platon dans plus d’un passage de ses œuvres. (Voy. entre autres Tusc. quaest., 1 ; Acad., 1, 2.)
  2. Salluste (Cat., 1) a dit : « Nostra omnis vis in animo et corpore sita est ; animi imperio, corporis servitio magis utimur ; alterum nobis cum Diis, alterum cum belluis commune est. »
  3. Willet, par respect pour les femmes, tâche dans ses notes (p. 65) d’atténuer la dureté du mot ἄνοια, employé par Galien : ἄνοια, dit-il, si vera sit lectio