Page:Galien-Oeuvres anatomiques physiologiques et médicales-T1-1854.djvu/38

Cette page a été validée par deux contributeurs.
6
QUE LE BON MEDECIN EST PHILOSOPHE.

également instruits[1]. De façon qu’un tel médecin méprisera non-seulement les richesses, mais encore aimera le travail avec ardeur.

Comment aimerait-il le travail celui qui s’enivre, qui se gorge d’aliments et se livre aux plaisirs de Vénus, qui, pour le dire en un mot, est l’esclave de son ventre et de ses penchants lubriques[2]. Il demeure donc établi que le vrai médecin est l’ami de la tempérance, et qu’il est en même temps le disciple de la vérité ; il s’attache à suivre la méthode rationnelle pour apprendre à distinguer en combien de genres et d’espèces se divisent les maladies, et à saisir pour chaque cas les indications thérapeutiques. C’est cette méthode qui nous révèle la nature même du corps, résultant à la fois des éléments premiers combinés intégralement entre eux, des éléments secondaires sensibles homoiomères[3], et des par— ties organiques. Quel est pour l’animal l’usage de chacune des choses que je viens d’énumérer et quel est leur mode d’action ? Comme ce sont des problèmes qu’il ne faut pas étudier légèrement, mais qui réclament une démonstration, on doit en demander la solution à la méthode rationnelle, Que manque-t-il donc encore, pour être philosophe, au médecin qui cultive dignement l’art d’Hippocrate[4] ? Pour connaître la nature du corps, les différences des maladies, les indications thérapeutiques, il doit être exercé dans la science logique ; pour s’appliquer avec ardeur à ces recherches, il doit mépriser l’argent et pratiquer la tempérance ; il possède donc toutes les parties de la philosophie, la logique, la physique et l’éthique. Il n’est pas à craindre, en effet, qu’un homme méprisant les richesses et pratiquant la tempérance commette une action honteuse, car toutes les iniquités dont les

  1. Galien résume ici en quelques mots les préceptes donnés par Hippocrate au commencement de son immortel traité Des Airs, des Eaux et des Lieux.
  2. Voy. dans l’Appendice l’extrait du chapitre vi du traité De dignosc. curandisque animi morbis.
  3. Dans la suite de ce volume j’aurai l’occasion de revenir sur le sens du mot homoiomère.
  4. L’auteur hippocratique du traité De la bienséance, avait dit bien avant Galien : « Il faut rallier la philosophie à la médecine et la médecine à la philosophie, car le médecin philosophe est égal à un Dieu. L’union des deux sciences est très-importante pour l’une et pour l’autre, et tout ce qui convient à la philosophie s’applique à la médecine : désintéressement, modestie, etc. »