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UTILITÉ DES PARTIES DU CORPS HUMAIN, V, iv.

ments heureusement combinés ; alors nous serions en droit de blâmer la nature et de l’accuser de négligence.

Si la bile jaune en pénétrant dans l’estomac ne devait pas y causer de grands dommages, la nature aurait eu tort de négliger l’emploi utile d’une humeur qui chaque jour nous eût débarrassés des superfluités visqueuses. Mais si cet avantage est si mince qu’il puisse être aisément suppléé par un auxiliaire du dehors, tandis que les accidents occasionnés par la bile eussent été capables de détruire entièrement la fonction de l’estomac, je ne conçois pas comment on serait assez ingrat envers une nature pleine de prévoyance à notre égard, assez avare de justes éloges pour lui distribuer non la louange, mais le blâme. Qui donc ignore que la bile jaune est notablement âcre, mordante, et qu’elle exerce encore sur toutes les parties une action détersive ? Qui donc a rendu par le bas une quantité considérable de cette bile sans avoir éprouvé une mordication préalable des intestins ? Qui ne sait que les vomissements bilieux sont nécessairement précédés de certaines affections douloureuses, entre autres de cardialgie ou mordication de l’orifice de l’estomac (στόμα τῆς γαστρός) ? Voulez-vous qu’à ce propos nous rappelions les écrits d’Hippocrate[1] et que nous fassions comparaître un aussi grand témoin pour une chose connue de tous ? cela serait complètement inutile et superflu ; et cependant si la propriété de la bile jaune est généralement connue, on peut facilement en conclure qu’introduite dans l’estomac elle détruirait toute la fonction de ce viscère. En effet, si la bile en pénétrant sans mélange dans les premiers intestins les stimule, les aiguillonne et y prévient le séjour des aliments, à plus forte raison dans l’estomac doué de plus de sensibilité que le jéjunum, elle l’eût contraint à précipiter la sortie des aliments avant leur parfaite coction. Cette conclusion paraît si évidente qu’elle ne demande pas une plus longue démonstration.

On sait bien, en effet, qu’une mordication violente expulse les aliments encore crus. On comprend donc, qu’en tout état de santé, l’introduction dans l’estomac d’une bile abondante ne permettrait pas aux aliments d’y séjourner. L’estomac stimulé par l’âcreté de

  1. Voy. dans mon édit. Pronost., § 24 ; cf. Aph., IV, 17 ; De l’ancienne médecine, § 19, t. 1, p. 618, édition des Œuvres d’Hippocrate, par E. Littré.