duisant tout ce qui constitue l’aliment en minces particules, le contraint en totalité ou à peu près à se mettre en contact avec la tunique des intestins, où viennent s’aboucher les veines, et par conséquent avec les orifices mêmes de ces vaisseaux. Si quelque parcelle d’aliment échappe en traversant le premier repli, elle sera saisie, soit au second, au troisième, au quatrième, au cinquième, soit à un suivant, car ils sont très-nombreux.
Dans ce conduit si long, si étroit, si tortueux, toutes les parties de l’aliment rencontrent nécessairement l’orifice d’un vaisseau. En effet, la circonférence de l’intestin est percée d’un nombre infini d’orifices intérieurs qui saisissent au passage la partie utile de l’aliment qui le parcourt. De cette façon il n’échappe et ne se perd aucune partie de l’humeur bonne pour la nourriture de l’animal, quand du moins la loi naturelle régit les fonctions du corps. Car maintenant c’est l’état normal que nous exposons et non l’état morbide, où l’économie humaine est bouleversée, où l’art de la nature ne peut plus se manifester et réclame un aide qui tende une main, et écarte le mal. Si nous ne faisons pas cette remarque à chacune des utilités que nous passons en revue, ce n’est pas notre silence qu’il faut taxer de négligence, mais c’est d’inintelligence qu’il faut accuser celui qui ne comprend pas ce sous-entendu.
Nous avons donc montré que les sinuosités des intestins avaient pour but l’exacte distribution de tout l’aliment élaboré. Telle était la pensée de Platon (Timée, p. 72 e, 73 a) : « [ceux qui nous formèrent ont créé les intestins avec des circonvolutions] de peur que la nourriture, en les traversant rapidement, ne réduisît le corps à réclamer bientôt des aliments nouveaux, et qu’en produisant ainsi une insatiable gloutonnerie, le genre humain ne devînt étranger à la philosophie et aux muses. » Tous les animaux dépourvus de ces sinuosités et dont l’intestin se prolonge en ligne droite de l’estomac au siège, sont d’une voracité insatiable, et comme les plantes ils ne sont occupés qu’à se nourrir. On trouve à ce propos dans Aristote[1] de belles réflexions, celle-ci
- ↑ Cette pensée se trouve dans l’Histoire des animaux, VIII, i, § 2-3, mais Galien ne l’a pas rapportée textuellement, il n’en prend que le sens le plus général ; voici la traduction du passage d’Aristote : « Ainsi la nature passe peu à peu des êtres inanimés aux animaux, de sorte que, dans la série continue, on ne peut