Page:Galien-Oeuvres anatomiques physiologiques et médicales-T1-1854.djvu/342

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
310
UTILITÉ DES PARTIES DU CORPS HUMAIN, IV, xiii.

une grande cavité sanguine, y insérer, à la partie inférieure, la veine (veine porte) qui, se trouvant aux portes du foie, charrie de bas en haut le sang [fourni par la transformation des aliments dans l’estomac et les intestins], et à la partie supérieure, celle qui lui succède et qui promène cet aliment dans tout le corps (veine cave)[1].

Les assertions d’Érasistrate tendent à démontrer que c’est pour la sécrétion de la bile jaune qu’existent dans le foie ces ramifications des veines ; mais un examen un peu attentif prouve que cette allégation est erronée, la nature pouvant, sans un plexus veineux aussi considérable et ainsi disposé, opérer la sécrétion des résidus, comme elle l’a montré clairement dans les reins. En effet, beaucoup de ces buveurs intrépides qui engloutissent des amphores entières[2], et qui urinent à proportion de l’abondance du breuvage absorbé, n’éprouvent aucune gêne dans cette sécrétion. Le sang qui afflue dans la veine cave, se purifie tout entier très-promptement et très-facilement au moyen des reins qui ne sont même pas en contact avec la veine. On doit s’étonner qu’Érasistrate, qui nous fait une longue dissertation sur la sécrétion de la bile jaune du sang, ne s’occupe absolument pas de celle de l’urine. Il fallait, en effet, ou ne rien dire ni de l’une ni de l’autre, ou les mentionner également toutes deux. Mais sur ces questions et sur toutes les autres facultés naturelles, il existe [de moi] des traités particuliers[3], où il est démontré que chacune des parties du corps possède une vertu attractive (ou séparative) de la qualité qui lui est propre. C’est ainsi que les conduits de la bile attirent cette bile et que les reins attirent l’urine.

Ce n’est donc pas en vue de l’élimination que la nature a créé dans le foie un si vaste plexus veineux, c’est pour que la nourriture séjournant dans le viscère s’y hématose complètement ; car si elle eût créé, dans le foie comme dans le cœur, une grande

  1. Galien semble concéder que la nature n’a pas fait ce qu’elle aurait dû faire, mais ce n’est là qu’un artifice de langage, une sorte d’ironie dont il use volontiers pour mieux écraser ensuite ses adversaires.
  2. Voy. sur ces insatiables buveurs, Athénée, X, ii, et les notes de Casaubon. Cf. aussi Aristote, Hist. anim., VI, ii.
  3. Galien renvoie ici à son traité Des facultés naturelles, en trois livres (cf. particul., I, xiii, suiv., et le livre II), et à celui qui est intitulé : De la substance des facultés naturelles, mais dont il ne reste qu’un fragment.