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QUE LE BON MEDECIN EST PHILOSOPHE.

l’astronomie et que, par conséquent, la géométrie, qui en est une préparation nécessaire, rendent de grands services à la médecine ; eh bien, les médecins, non-seulement ne font usage ni de l’une ni de l’autre science, mais ils blâment même ceux qui s’en servent. Hippocrate pense qu’il faut connaître avec exactitude la nature du corps[1] ; il dit que c’est le principe de tout raisonnement en médecine ; ceux-ci, au contraire, se livrent à cette étude de telle façon qu’ils ne connaissent ni la substance, ni la structure, ni le mode de formation, ni la grandeur de chacune des parties, ni leurs connexions les unes avec les autres, ni même leur position. Quand on ne sait pas diviser les maladies en espèces et en genres, il en résulte qu’on se trompe dans les indications thérapeutiques ; c’est Hippocrate qui l’enseigne lorsqu’il nous invite à suivre la méthode rationnelle ; mais bien loin de prendre cette méthode pour guide, les médecins actuels dénoncent ceux qui s’y conforment, comme s’occupant d’inutilités. Suivant Hippocrate, il faut aussi acquérir une grande habileté dans le pronostic pour deviner, chez un malade, les phénomènes morbides déjà passés, pour pénétrer l’état présent, et pour prévoir les accidents à venir[2]. Nos médecins cultivent de telle façon cette branche de l’art, que si quelqu’un prédit une hémorrhagie ou une sueur, ils le traitent de devin ou d’homme qui dit des choses paradoxales ; à peine supporteraient-ils qu’on fît d’autres prédictions[3] ;

    secours. » — Je préviens une fois pour toutes que, pour les traités déjà publiés par M. Littré, j’ai adopté les divisions par paragraphes telles qu’il les a établies dans son édition. J’ai soin d’indiquer toutes les fois que je reproduis sa traduction. — Les citations de Galien sont toujours faites d’après l’édition de Kühn pour les traités que renferme cette édition.

  1. Des lieux dans l’homme, § 2, t. VI, p. 278 : « La nature du corps est le point de départ du raisonnement en médecine. » — Du régime, I, § 2, t. VI, p. 468 : « Je dis que celui qui veut faire un bon traité sur le régime doit avant tout connaître et reconnaître toute la nature humaine, » trad. Littré. — Voy. aussi dans le traité De l’ancienne médecine le commencement du § 20, t. I, p. 620 suiv.
  2. Du Pronostic, § 1, t. II, p. 110 : « Connaissant d’avance et indiquant près des malades les phénomènes morbides passés, présents et à venir, énumérant toutes les circonstances qui leur échappent, le médecin leur persuadera qu’il connaît mieux qu’un autre tout ce qui les regarde, en sorte qu’ils ne craindront pas de se confier à lui. »
  3. Voy. dans l’Appendice les extraits du traité De præcognitione ad Posthumum.