Ces veines sont comme les portefaix des villes. Ceux-ci prennent le blé nettoyé dans le grenier et le portent à une des boulangeries communes de la cité, où il sera cuit et transformé en un aliment déjà utile : de même les veines conduisent la nourriture élaborée dans l’estomac à un lieu de coction commun à tout l’animal, lieu que nous appelons foie (ἧπαρ). La route qui y mène, coupée de nombreux sentiers, est unique. Elle a reçu d’un ancien habile, je pense, dans les choses de la nature[1], le nom de porte (πύλη sillon de la veine porte), qu’elle a gardé jusqu’à ce jour. C’est ce nom que lui donnent aussi Hippocrate[2], et tous les disciples d’Esculape, rendant hommage à la sagesse de leur devancier qui assimila l’économie animale à l’administration d’une cité.
De même qu’Homère[3], chante ces ouvrages (trépieds) automates de Vulcain[4], ces soufflets qui, sur un ordre du maître,
- ↑ On ne sait pas du tout quel est cet ancien, ni s’il fut médecin ou philosophe. Il en est souvent des dénominations comme des inventions ; les siècles adoptent les unes et perfectionnent les autres sans en savoir la première origine. — « Le foie, dit ailleurs Galien (Manuel des dissections, VI, xi, init.), reçoit à sa partie concave les veines qui viennent du mésentère ; on appelle portes du foie le lieu vers lequel toutes ces veines se réunissent en un seul tronc. Vous trouverez donc là une très-grande embouchure de veine (veine porte). » Ce que les anciens appelaient portes du foie, c’est le point d’immergence du tronc de la veine porte dans le sillon transversal, ou ce sillon lui-même. — Voy. la Dissertation sur les termes anatomiques.
- ↑ De natura ossium, p. 1., éd. de Bâle, Épid. II, iv, 1, t. V, p. 122, éd. Littré ; De anat., § 5, éd. de Triller dans ses Opuscula, t. II, p. 272 ; cf. aussi Hoffmann, l. l., p. 59, et les notes de Triller ; Platon (Timée, p. 71 c) se sert aussi de cette expression. Cf. Aristote, Hist. anim., I, xvii, § 6, p. 16, et VII, viii, § 2, p. 142, éd. Bussem.
- ↑ Cette citation est empruntée au livre XVIII de l’Iliade, où Homère peint l’entrevue de Thétis et de Vulcain ; cf. Hoffmann, l. l., p. 59-61 ; Galien, De fœt. form., cap. vi, t. IV, p. 607 suiv., et ma Dissertation sur la physiologie de Galien.
- ↑
Χρύσεα δὲ σφ᾽ ὑπὸ κύκλα (sc. τρίποδας) ἑκάστῳ πυθμένι θῆκεν,
Ὄφρα οἱ αὐτόματοι θεῖον δυσαίατ᾽ ἀγῶνα,
Ἠο᾽ αὖθις πρὸς δῶμα νεοίατο, θαῦμα ἰδέσθαι (l. l., v. 375-7).