Page:Galien-Oeuvres anatomiques physiologiques et médicales-T1-1854.djvu/294

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
262
UTILITÉ DES PARTIES DU CORPS HUMAIN, III, x-xi.

imaginez pas que du sang menstruel ou du sperme puisse donner naissance à un être immortel, impassible, agité d’un mouvement perpétuel, aussi brillant, aussi beau que le soleil ; mais comme vous jugez l’habileté d’un Phidias, pesez aussi l’art du Créateur de toutes ces choses. Peut-être ce qui vous frappe de surprise dans le Jupiter olympien, c’est l’ornement extérieur, l’ivoire brillant, la masse d’or, la grandeur de toute la statue ? Si vous voyiez la même statue en argile, peut-être passeriez-vous avec un regard de dédain ? Mais pour l’artiste, pour l’homme qui connaît le mérite des œuvres d’art, il louera également Phidias, sa statue fut-elle de bois vil, de pierre commune, de cire ou de boue[1]. Ce qui frappe l’ignorant, c’est la beauté de la matière ; l’artiste admire la beauté de l’œuvre.

Eh bien, instruisez-vous dans les merveilles de la nature, afin que nous vous traitions, non plus d’ignorant, mais d’homme instruit dans les choses de la nature. Faites abstraction de la différence des matières, considérez l’art nu ; quand vous examinez la structure de l’œil, songez que c’est l’organe de la vision ; quand vous examinez le pied, que c’est l’organe de la marche. Si vous voulez avoir des yeux faits de la substance du soleil, et des pieds d’or pur, non de chair et d’os, vous oubliez quelle matière les constitue. Considérez si cette substance est une lumière céleste ou un terrestre limon, car vous me permettrez de donner ce nom au sang de la mère qui pénètre dans l’utérus. Si vous avez donné de l’argile à Phidias, vous ne lui réclamerez pas une statue d’ivoire. De même avec du sang vous n’obtiendrez jamais un soleil, une lune ou ce corps brillant et beau dont ils sont faits (éther). Ce sont des corps divins et célestes, nous ne sommes, nous, que des statues de limon. L’art du Créateur est égal de part et d’autre.

Le pied est une partie de l’animal, petite et abjecte : qui le nie ? Le soleil est grand ; c’est le plus beau des corps de l’univers : nous ne l’ignorons pas. Mais considérez quelle était la place nécessaire du soleil dans l’univers, celle du pied dans l’animal. Dans l’univers, le soleil devait tenir le milieu entre les planètes ; dans

  1. Débutades de Sicyone était un artiste en grand renom pour ses statues d’argile. Pline, Hist. nat., XXXV, xliii. — Voy. aussi sur la perfection de structure des moindres animaux la fin du chap. i du livre XVII de l’Utilité des parties.