Page:Galien-Oeuvres anatomiques physiologiques et médicales-T1-1854.djvu/292

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
260
UTILITÉ DES PARTIES DU CORPS HUMAIN, III, x.

pense que vous rougirez de honte, que vous confesserez votre erreur, que vous reviendrez à un esprit meilleur, enfin que vous vous laisserez gagner à l’opinion d’Hippocrate qui partout célèbre la justice de la nature et sa prévoyance à l’égard des animaux (voy. I, xxii). Est-il superflu, selon vous, que la peau de la plante des pieds, comme celle de la paume des mains, soit unie aux parties sous-jacentes, ou bien ignorez-vous absolument qu’elle est si intimement attachée aux tendons sous-jacents qu’elle ne peut s’écorcher comme le reste de la peau de tout l’animal ? Mais si vous le savez, trouveriez-vous mieux que la plante du pied fût recouverte d’une peau lâche et glissant aisément ? Si vous dites qu’il en eût été mieux ainsi, je dois croire qu’à une chaussure serrée de toutes parts et collée exactement à votre pied vous préférez une chaussure lâche et cédant de tous côtés, de telle sorte qu’étendant à tout votre habileté vous n’hésitiez pas même à élever la voix contre les choses reconnues évidentes par tout le monde ; ou bien si vous accordez que la chaussure qu’on adapte au pied doit le presser de toutes parts, pour bien remplir son usage, nierez-vous que la chaussure naturelle doive bien plus encore le serrer et le presser fermement, en s’unissant exactement aux parties sur lesquelles elle repose ? Ce serait un second Corœbus[1] celui qui, non content de ne pas admirer les œuvres si belles de la nature, oserait encore les dénigrer.

Pour vous qui lisez ces écrits, le moment en est venu, examinez si vous voulez prendre place à côté de Platon, d’Hippocrate et de tous ceux qui admirent les œuvres de la nature, ou si vous vous rangez avec ceux qui la blâment de n’avoir pas fait des pieds la voie par où s’échappent les excréments. Combien devait-il être énervé et corrompu par les voluptés celui qui osa me dire qu’il était bien pénible de se lever de son lit pour aller à la selle, et

  1. Corœbus, mis en scène par le poëte Euphorion pour sa stupidité, est devenu un type de bêtise, ainsi qu’on le voit par Virgile (Æn., II, v. 341 ; cf. Servius, in hunc loc.), et par Lucien (Amor., § 53, t. II, p. 455 ; éd. Hemerst ; Phiopseud., § 3, t. III, p. 32. Cf. sur ce dernier passage les notes et le scholiaste). — Le scholiaste d’Aristophane (Ran., v. 990) fait aussi mention de ce Corœbus. — On disait dans l’antiquité bête comme Corœbus. — Voy. Érasme (Adag. chil. II, cent. IX, prov. 64…) sur ce proverbe, et dans la Collection des paroemiographes (éd. de Leutsch), Mich. Apostolius, X, § 9, et XI, § 93 ; t. II, p. 483 et 539.