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DU MEMBRE ABDOMINAL.

bout et immobile, car les pieds n’en remplissent pas moins alors leur office de sustentation pour lequel ils ont été créés. Dans la marche ou dans la course, l’un des pieds s’applique sur le sol, l’autre, en même temps que toute la jambe, se porte en avant. Si nous changeons de place, c’est par le moyen de la jambe qui se meut, car c’est elle qui opère cette translation ; et si nous ne tombons pas, c’est grâce au pied solidement appuyé sur le sol ; mais comment pourrait-il porter en avant l’animal, lui qui ne se meut pas lui-même ?

Nous trouverons la preuve suffisante de cette proposition dans deux événements survenus récemment, je veux parler d’une part de cette peste qui fit de grands ravages et qui produisait des dépôts aux pieds[1], et de l’autre de ce brigand qui exerçait sa cruauté près de Coracèse en Pamphylie[2]. La peste réduisait les pieds en putréfaction, et le brigand, les coupait. Les malheureux privés de cette partie ne pouvaient plus marcher sans bâton, non certes que ce bâton servît au mouvement des jambes, mais il aidait à la sustentation que les pieds leur avaient jusque-là procurée. Appuyés sur deux pieds mutilés ils pouvaient à la vérité se tenir debout, mais ils ne pouvaient marcher, attendu qu’il fallait alors confier la sustentation de tout le corps à un seul membre mutilé.

J’ai vu aussi des gens qui avaient perdu seulement les doigts des pieds, mortifiés par la neige[3] ; pour la station, la marche et la course, du moins sur un terrain uni et égal, ces individus ne le cédaient pas à ceux dont tous les membres sont en bon état ; mais s’il fallait franchir un endroit difficile, surtout si le terrain était escarpé, non-seulement ils restaient en arrière, mais ils étaient

  1. C’est avec raison que M. Hæser (Geschichte der Volkskrankheiten, t. I, p. 75), rapporte ce passage à la peste antonine, dont Galien fait souvent mention dans ses ouvrages. — On sait que la perte des extrémités par la gangrène fut souvent, dans la peste d’Athènes, une crise salutaire.
  2. Voy. sur ce passage Hoffmann, l. l., p. 42.
  3. Les Grecs appelaient cet accident χίμετλον ou χείμετλον quand il n’était pas très-prononcé (engelure, brûlure simple). On lit dans Suidas : Χίμετλα τὰ ἀποκαύματα λεγόμενα, ἅπερ γίνεται χειμῶνος ἐν τοῖς ποσίν — Voy. les notes des éditeurs, et Pollux, II, 198. — Sur le mot καίειν (brûler) appliqué à l’action de la neige, cf. le Trésor grec, voce.