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UTILITÉ DES PARTIES DU CORPS HUMAIN, III, i-ii.

un instrument quelconque de travail ? En effet, outre tous les privilèges dont l’homme est favorisé, seul de tous les animaux il jouit de la faculté de s’asseoir commodément sur ses ischions. Cette remarque échappe au vulgaire ; on pense que l’homme seul se tient debout (voy. chap. ii, in fine, iii, et Aristote, Part. anim., IV, x, init.), mais l’on ne sait pas que seul aussi il peut s’asseoir. Ce centaure imaginé par les poètes, et qu’on nommerait, à juste titre, non pas homme mais homme-cheval, ne pourrait donc pas se tenir solidement sur ses ischions ; et cela lui fut-il possible, il ne se servirait pas avec adresse de ses mains, gêné qu’il serait dans toutes ses actions par ses jambes de devant, comme nous le serions nous-mêmes par deux longs morceaux de bois fixés sur notre poitrine.

Accommodés de la sorte, si l’on nous faisait coucher sur un petit lit de repos[1], nous formerions une étrange assemblée, bien plus étrange encore si nous venions à nous endormir. Ne serait-ce pas, en vérité, une chose admirable que de voir ces centaures ne pouvant reposer ni sur un lit, ni sur le sol. En effet, l’assemblage

    écrivaient ou lisaient sur leurs genoux, et il cite à l’appui le 3e vers de la Ratrachomyomachie :

    Ἣν νέον ἐν δέλτοισι ἐμοῖς ἐπὶ γούνασι θῆκα.

    C’est-à-dire, Muses... protégez les vers que j’ai tracés naguère sur des tablettes placées sur mes genoux. — Dans le chap. ix du même livre III, Galien fait encore allusion à l’habitude d’écrire sur les genoux. — Cf. sur cette question les remarques de Lambecius (Comment. de Bibl. Cæs., II, vii, pp. 570-571, éd. de 1669), et voy. Montfaucon, Palæogr. gr., p. 203. — On sait aussi que dans l’antiquité il y avait de petits lits de travail (lucubratoriæ lectulæ), devant lesquels étaient ordinairement placés des pupitres ou des tables. Voy. Hoffmann, l. l. ; Casaubon, Ad Sueton. ; Augustus, § 78, dans l’éd. in-4o de Burmann, pp. 406-407, et les notes de Burmann lui-même ; Pitiscus, Ad Sueton., loc. laud. p. 328 ; Casaub., Ad Persium, sat. I, vers 17 et 52-3, p. 50 et 73, éd. Dübner. — Cf. aussi Properce, III, iv, v. 14, ibique Burmann et Hertzberg (III, vi, 14) ; Ovide, Trist., I, xi, 38, ibique Burm. ; enfin Géraud, Essai sur les livres dans l’antiquité, Paris, 1840, in-8o, pp. 44-47.

  1. Ἐν σκιμποδίῳ. Voy. le Trésor grec sur ce mot. Hoffmann (l. l., p. 38) a traduit comme s’il s’agissait des lits sur lesquels on se couchait pour manger ; mais σκιμπ. est proprement un lit de repos sur lequel on pouvait appuyer sa tête et dont on se servait quand on était fatigué ou souffrant. — Voy. aussi sur σκιμπους, Smith, Dict. of Greek and Rom. antiq. au mot lectus, et Becker Charikles, IIe partie, p. 121 ; ce mot paraît surtout désigner un lit pour les classes pauvres, un grabat.