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UTILITÉ DES PARTIES DU CORPS HUMAIN, I, xiv.

donc le nombre trois était suffisant pour la multiplicité des mouvements et pour éviter la facilité à se plier[1]. Quant à la grandeur, il est évident pour tous que l’os placé en avant doit être plus long que celui qui vient après lui ; le premier porte, le second est porté : or,

  1. Il résulte de ce passage et aussi de quelques autres (voy. partie. II, iv, init. et viii ; De ossibus ad tirones, xix, et la note de Van Horne dans son édit., Lugd. Batav., 1665, p.  112), que Galien regardait l’os par lequel le pouce s’attache au carpe comme une phalange et non comme un métacarpien ; il se fonde sur ce que cet os est complétement mobile à ses deux extrémités, disposition qui n’a pas lieu pour les vrais étacarpiens. On voit aussi par le chapitre du traité De ossibus auquel je viens de renvoyer, que les anatomistes ses prédécesseurs (au nombre de ceux-ci on pourrait citer Aristote, Hist. anim., I, xv, 2. Voy. aussi plus loin pour Eudême, III, viii), ou ses contemporains ne partageaient pas tous cette manière de voir. La question, quoique tranchée de nos jours en faveur du métacarpe, ne parait pas encore jugée d’après un débat contradictoire. M. Bluff, dans une note intéressante (Archives de Meckel, année 1826, p. 112-116) s’est rangé de l’avis de Galien. Outre la raison déjà donnée par cet auteur, M. Bluff invoque la forme générale de l’os, la disposition des ligaments latéraux internes et de la membrane capsulaire, enfin le mode comparatif d’insertions tendineuses sur les doigts et sur le pouce. Ces motifs sont spécieux, il est vrai, mais non pas décisifs, puisqu’ils sont tirés de circonstances accessoires, secondaires ou contingentes. L’analogisme du pied et de la main, du moins chez l’homme, l’anatomie comparée, la forme des os, quoi qu’en dise M.Bluff, me paraissent contraires à l’opinion de Galien. Ajoutez encore ceci : le métacarpe dans l’homme et dans les animaux analogues a pour but de présenter une surface étendue et résistante aux corps que doivent embrasser les doigts, en un mot de constituer la paume de la main ; si le métacarpien du pouce est détaché des autres et tout à fait mobile, c’est dans le but, d’une part, d’étendre la surface de la paume ; d’une autre part, de permettre que cette partie se forme en creux ; enfin, de rendre le pouce opposable, et d’en faire comme une branche de compas, suivant l’heureuse expression de M. Broc (Traité d’anat., t. II, p. 119). La brièveté comparative du pouce par le retranchement d’une phalange, et par l’insertion abaissée de son métacarpien est encore chez l’homme une des conditions essentielles de la sûreté et de la variété des fonctions qui tiennent à la préhension. De cette manière d’être résultent nécessairement des dispositions spéciales dans les parties molles, dispositions auxquelles M. Bluff attache une valeur déterminative qu’elles n’ont pas. C’est ainsi qu’il n’est pas difficile de reconnaître des interosseux pour le pouce comme pour les autres doigts, et que le court abducteur du pouce est symétrique du petit muscle latéral de l’auriculaire (pisi-phalang.). Après tout, si on considère à la fois le pouce et le petit doigt, eu égard au métacarpe, on verra que le mouvement du métacarpien du pouce (qui n’a qu’une ressemblance éloignée avec celui d’une phalange) n’est qu’une exagération du mouvement du métacarpien du petit doigt, l’un et l’autre os remplissant, par rapport à la paume de la main, les mêmes usages, à des degrés