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UTILITÉ DES PARTIES DU CORPS HUMAIN, I, iv-v.

me semble, du reste, que les animaux exercent certains arts plutôt par instinct que par raison. Ainsi on voit les abeilles construire des ruches, les fourmis se creuser des espèces de greniers et des souterrains tortueux, et les araignées filer et tisser des toiles, et cela sans avoir eu de maîtres, je le suppose.


Chapitre iv. — Que la raison et la main de l’homme lui tiennent lieu de tout art et de tout moyen de défense naturels.


L’homme, de même qu’il a un corps privé d’armes, a également une âme dépourvue d’arts[1] ; c’est pourquoi il a reçu les mains et la raison pour compenser la nudité de son corps et l’absence d’arts dans son âme. Usant donc de ses mains et de sa raison, il arme et protège son corps de toute façon ; il orne son âme de tous les arts ; car s’il eût possédé une arme naturelle, il n’aurait toujours eu que celle-là ; de même s’il avait su quelque art naturellement, il

    cles, découverts par moi, étaient inconnus aux plus habiles anatomistes. Galien revient souvent sur la spontanéité des actes instinctifs des animaux. Voy. par ex. De facult. nat., I, xiii, t. II, p. 38 ; Dogm., Hipp. et Plat., IX, viii, t. V, p. 790 ; De semine, II, vi, t. IV, p. 643 ; De loc. aff., VI, vi, t. VIII, p. 443 ; Comm. V, in Epid. VI, § 4, t. XVIIb, p. 244 suiv. (là il rapporte le fait d’un chevreau qui extrait, par une sorte d’opération césarienne, du ventre de sa mère, exécuta immédiatement, à la grande admiration des spectateurs, tous les mouvements propres aux chevreaux sans avoir été instruit par sa mère) ; An animal sit id, quod in utero, cap. iv, t. XIX, p. 168, et chap. v, p. 165. — Cf. aussi Utilité des parties, XIV, vii, et Exhort. à l’étude des arts, p. 9, note 1.

  1. C. Hoffmann (p. 8) fait remarquer, avec raison, que cette doctrine est tout aristotélique, et s’éloigne notablement de celle de Platon pour qui savoir c’est se souvenir. On lit dans le traité De l’âme (III, iv, 11, éd. Barthél. Saint-Hilaire) : « L’intelligence est en puissance comme les choses mêmes qu’elle pense, sans en être aucune en réalité, en entéléchie, avant de les penser. Évidemment il en est ici comme d’un feuillet où il n’y a rien d’écrit en réalité, en entéléchie, et c’est là le cas même de l’intelligence. » Quelques commentateurs anciens ont voulu, par des raisons plus spécieuses que solides, ramener cette doctrine à celle de Platon (voy. les notes de M. Barthél. Saint-Hilaire). — Le feuillet, ou plutôt, la tablette sur laquelle il n’y a rien d’écrit est devenue pour les modernes la tabula rasa, la table rase. — Alexandre d’Aphrodise, dans son traité qui a pour titre Premier livre sur l’âme, s’était servi des mots πινακὶς ἄγραφος. Voy. tout le passage d’Alexandre, et l’interprétation de celui d’Aristote, dans les notes de Trendelenburg, sur le traité De l’âme, p. 485. — Voy. aussi le traité Des facultés de l’âme, par M. Garnier, t. III, p. 249 et suiv.