Page:Galien-Oeuvres anatomiques physiologiques et médicales-T1-1854.djvu/147

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
115
DE LA MAIN.

souvent vu un veau frapper à coups de tête avant que ses cornes fussent poussées ; un poulain ruer, bien que ses sabots fussent encore mous, et un tout petit porc chercher à se défendre avec son groin dépourvu de ses grandes dents ; enfin un petit chien s’efforçant de mordre avec ses dents encore tendres, car tout animal a en lui, sans qu’on le lui ait appris, le sentiment des facultés de son âme et de la puissance des parties de son corps. Pourquoi donc le jeune porc pouvant mordre avec ses petites dents, les laisse-t-il en repos et ne les emploie-t-il pas à combattre, tandis qu’il cherche à se servir de celles qu’il n’a pas encore ? Comment peut-on dire que les animaux apprennent des parties elles-mêmes la manière de s’en servir, puisque avant de posséder ces parties, ils en connaissent déjà la destination ? Prenez donc, si vous voulez, trois œufs, un d’aigle, un de canard, un de serpent, échauffez-les vous-mêmes modérément et brisez la coquille ; vous verrez parmi les animaux qui vous sont éclos, les uns chercher à se servir de leurs ailes avant de pouvoir voler, l’autre se traîner et chercher à ramper, bien qu’il soit encore mou et impuissant à le faire ; et si après les avoir élevés tous trois dans la même maison, vous les emportez dans un lieu découvert et les laissez en liberté, l’aigle s’élèvera dans les airs, le canard volera vers quelque bourbier, et le serpent se cachera dans la terre. Enfin ce n’est pas, je pense, pour l’avoir appris, que l’aigle chassera, que le canard nagera et que le serpent se tapira dans un trou, car, suivant le dire d’Hippocrate (De alim., p. 382, l. 35, éd. de Foës) : « Les natures des animaux ne reçoivent pas d’enseignement[1]. » D’où il

  1. Φύσιεις ζῴων ἀδίδακτοι. Le texte hippocratique porte φ. πάντων ἀδίδ. ; mais il est évident, par ce qui précède, qu’il s’agit des animaux ; aussi Galien, quand il cite ce membre de phrase isolément, écrit-il toujours ζῴων. — On lit aussi dans Epid., VI, sect. v, 31, t. V, p. 314 : « La nature trouve par elle-même, et non par raisonnement les moyens d’agir, par exemple, cligner des yeux, mouvoir la langue et toutes les autres choses semblables. La nature, sans être instruite et sans avoir appris, fait tout ce qui convient. » — Dans son Commentaire (in Epid., VI, v, 2, t. XVIIb, p. 233 et suiv.) Galien a longuement développé la pensée d’Hippocrate (on la retrouve à peu près textuellement dans le poëte Épicharme : Diog. Laert., III, xii, 16), en ajoutant aux exemples allégués dans les Épidémies, celui du mouvement des muscles qu’on accomplit sans savoir même qu’il y a des muscles, ignorance d’autant moins étrange, ajoute-t-il, que beaucoup de mus-