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DES HABITUDES.

ments conformes à chacun de ces genres, de même pour les espèces que renferment les genres, on trouve de grandes différences. Ainsi quelques personnes ne peuvent pas boire de vin, un plus grand nombre en boivent impunément une notable quantité, et, comme il a été dit plus haut, les uns mangent avec plaisir de la chair de bœuf, de bouc et de bélier, et la digèrent sans peine ; les autres au contraire, ne peuvent ni la manger, ni même en supporter l’odeur ; aussi en l’absence d’un autre aliment, comme cela arrive dans les famines, s’ils sont forcés de se nourrir de ces viandes, ils ne peuvent pas les digérer sans en éprouver du dommage ; leur appétit en est troublé, ils deviennent lourds aussitôt après les avoir ingérées ; s’il leur survient des éructations, ils ne peuvent pas supporter cet accident sans que cela leur soit pénible.

Comme il est évident que les choses se passent ainsi, il faut tout d’abord se souvenir de ce fait que les hommes prennent avec le plus de plaisir les substances qui sont le plus en conformité de nature avec chacun d’eux, qu’ils préfèrent surtout celles qui rentrent dans cette catégorie comme paraissant devoir être pour eux d’une plus facile digestion ; au contraire ils rejettent et fuient les mets désagréables et difficiles à digérer, en sorte que la coutume est le signe d’une conformité de nature. L’habitude devient souvent aussi une cause [de conformité de nature] ; cela se voit manifestement par cette particularité que des substances qui, au début, étaient désagréables et nuisibles, cessent peu à peu, si on a la force de s’y habituer, d’être désagréables et nuisibles. La cause de ce phénomène est la suivante :

— [Chap. iii.] De même que toute substance qu’on mange ou qu’on boit est altérée[1] suivant une certaine qualité, de même ces substances mettent dans un certain état ce qui produit l’altération. On peut trouver la preuve évidente de ce phénomène dans la diversité des humeurs que développe chaque aliment. En effet, les uns engendrent un sang chargé de bile noire et les autres un sang qui contient une proportion considérable de phlegme, de bile pâle, ou de l’espèce de bile qu’on appelle jaune ; quelques-uns un sang pur. Les parties nourries diffèrent donc nécessairement les unes

  1. C’est-à-dire est modifiée. J’aurai à revenir sur cette expression dans la dissertation Sur la physiologie de Galien.