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DES HABITUDES.

raisonnement que [même avant l’habitude] il y a certaines substances qui ont de l’affinité avec nous et d’autres qui n’en ont pas. J’ai examiné toutes ces questions fort au long dans le traité Des facultés des aliments ; commençons donc, après avoir posé d’abord la notion de la coction. De même, en effet, qu’on ne dit pas des boulangers qu’ils cuisent le pain[1] lorsque, au moment juste où à l’aide soit de la meule, soit du crible, ils réduisent le blé en petites parcelles, mais seulement lorsque après avoir terminé ces opérations ils le mouillent avec de l’eau, le pétrissent après y avoir mêlé du levain, renferment la pâte dans quelque endroit qui l’échauffe jusqu’à ce qu’elle soit levée (c’est l’expression dont ils se servent), et la cuisent dans les fours chauffés de tous les côtés ou dans les fours chauffés par le bas[2] ; de même aussi quand on ingère quelque substance dans l’estomac, ce n’est pas quand cette substance est broyée et dissoute que nous disons qu’il y a coction, mais lorsqu’à l’instar du pain cuit elle change de qualité. De même aussi que pour les pains le blé cuit doit être transformé en la substance conforme à celle de l’homme auquel il est destiné ; de même, et à plus forte raison, faut-il que dans l’estomac ce blé devienne encore plus conforme à la nature de l’individu, et je me sers de l’expression substance plus conforme qu’une autre, eu égard à la similitude avec le corps qui doit être nourri ; car la conformité des aliments est autre pour un corps et autre pour un autre. Aussi les animaux recherchent-ils les aliments qui leur sont conformes, sans l’avoir appris, et instinctivement poussés par la nature. Les bêtes de somme recherchent les herbes ; elles se nourrissent de paille, de foin et d’orge ; les lions et aussi les léopards et les loups courent après la viande. De même donc que, pour chaque genre d’animaux, il existe une différence notable dans les ali-

  1. Καθάπερ γὰρ ἄρτιοι (ἄρτι ιοι, sic cod.), σιτοποιοὶ πέττοντες λέγουσιν. — Nicolaus Calab. et Aug. Gadaldinus, traduisent : « Quemadmodum enim pistores panem coquere debent. » — Dietz propose ἀρτοποιοὶ σιτ. πέττ. λέγονται, et traduit : Quemadmodum enim legitimi pistores, qui panem coquunt adpellantur. Je lirais volontiers… ἄρτι οἱ σιτοπ. πέττειν λέγονται. M. Bussemaker pour se rapprocher davantage du ms. et pour éviter une correction, me propose de changer seulement ἄρτιοι en ἄρτι οἱ (les boulangers ne disent pas qu’ils cuisent le pain) ; mais la phrase me paraît ainsi très-dure et très-difficile à construire régulièrement.
  2. Voy. sur ces fours, Oribase, II, viii, et notre note t. Ier, p. 563 et suiv.