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DES HABITUDES.



Chap. ii — La cause générale de la puissance des habitudes pour ce qui regarde les aliments solides ou liquides, réside dans la conformité de nature primitive ou acquise des substances alimentaires avec la nature du corps qu’elles doivent nourrir, en sorte que l’habitude est tour à tour cause et signe de conformité de nature et qu’elle devient ainsi une seconde nature. — Tout ce qui nourrit est transformé dans l’organisme suivant certaine qualité, et à leur tour les parties nourries sont altérées par ce qui les nourrit. — Preuve tirée de la transformation que subissent les plantes et les animaux suivant les terrains et les localités.


Méprisant donc ceux qui regardent l’indication tirée des habitudes comme tout à fait inutile, ou comme d’une médiocre utilité, dans la thérapeutique, recherchons quelle est la cause qui explique leur puissance, si cette cause est unique ou si elle diffère, suivant la matière de l’habitude. J’appelle matière ce qui constitue le sujet de l’habitude, par exemple, ainsi que je le disais plus haut, les aliments, les boissons, les exercices, ou toute autre chose analogue. Commençons donc par les substances qu’on mange et par celles qu’on boit. Pourquoi, en effet, parmi ceux qui se nourrissent habituellement de viande de bœuf, les uns ne sont-ils point incommodés du tout, les autres le sont-ils moins qu’avant d’en avoir contracté l’habitude ; ou bien pourquoi certains individus, comme l’a écrit Érasistrate lui-même, primitivement et par nature, digèrent-ils immédiatement avec plus de facilité la viande de bœuf que les poissons de roche[1] ? La cause de ce phénomène a été expliquée dans la discussion Sur les facultés des aliments[2], j’y reviendrai un peu plus bas, quand la suite de mon discours m’y amènera. Je commencerai ce que j’ai à enseigner en parlant de ceux qui par habitude digèrent bien toute espèce d’aliments, en prenant pour point de départ de tout mon

  1. Voy. Oribase, Collect. med., II, xlix, sur les poissons rocheux, appelés ainsi parce qu’on les pêche sur des côtes rocheuses.
  2. Κατὰ τὴν τῶν φυσικῶν δυνάμεων. — Je trouve à la marge de l’édit. des Juntes (iie cl., p. 60, h.), la remarque suivante : « Φυσικῶν est in græco cod. ; sed arbitror legendum τροφῶν, id est alimentorum, nam non in libris De facultatibus naturalibus hoc tradit quod sciam, sed in primo De alimentorum facultatibus, cap. 1, et ita etiam paulo inferius. » Cette remarque me paraît juste, car c’est seulement en passant que, dans le IIIe livre Des facultés naturelles, Galien traite cette question (voy. particul., chap. v et vi, t. II, p. 157 suiv.).