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DES HABITUDES.

effet, ceux qui sont à peu près inaccoutumés aux recherches ont, aux premiers mouvements de l’intelligence, l’esprit aveuglé et comme enveloppé de ténèbres, ils s’arrêtent aussitôt dans leurs investigations, ayant l’esprit fatigué et rendu impuissant comme sont ceux qui commencent à courir pour la première fois. Mais celui qui est habitué à chercher, pénétrant partout, cherchant par l’intelligence, et portant son esprit successivement sur divers sujets, n’abandonne pas sa recherche ; ne cessant ses investigations ni pendant une partie du jour, ni pendant toute la vie, et ne dirigeant pas sa pensée vers des idées qui sont étrangères à l’objet de sa recherche, il le poursuit jusqu’à ce qu’il arrive à son but. Nous avons donc reconnu jusqu’ici que la puissance de l’habitude a une grande influence dans toutes nos affections, aussi bien celles de l’âme que celles du corps. Ce qui précède suffit pour le sujet qui nous occupe ; dans les traités généraux sur la médecine, on a énuméré avec détail[1] toutes ces circonstances qu’il faut prendre en considération, si on ne veut pas que plusieurs parties de notre art soient remplies d’imperfections. »

Telles sont les opinions des plus illustres médecins, Hippocrate et Érasistrate, sur la puissance des habitudes ; ils ne s’en sont pas tenus au raisonnement pour découvrir leurs effets, mais ils en ont été instruits par les phénomènes les plus manifestes. C’est aussi ce qui arrive aux autres hommes qui ne vivent pas comme des porcs ou comme des ânes, et qui font attention à ce qui peut leur être utile ou nuisible ; on peut les entendre dire chaque jour qu’ils sont habitués à tel aliment, à telle boisson et qu’ils ne peuvent pas les abandonner, attendu que les changements leur sont désavantageux. Ils sont de même avis sur la manière de vivre, par exemple, sur l’usage ou l’abstention des bains, sur l’équitation, la chasse, la course, la lutte, les veilles, l’insolation, le froid, les méditations, et sur toutes les autres choses semblables.

  1. Ἐν δὲ τοῖς καθόλου λόγοις ὑπὲρ ἰατρικῆς λεγομένοις ἐξηρίθμηται. Il est difficile de savoir, d’après ce texte, si Érasistrate parle en général ou en son propre nom, et dans ce dernier cas s’il s’agit d’un ou de plusieurs ouvrages. Toutefois on remarquera que quelques-uns des traités énumérés par M. Rosenbaum (voy. note 2 de la page 93), rentrent dans la catégorie des ouvrages généraux sur la médecine.