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DES HABITUDES.

pas manquer de prendre en grande considération l’habitude et le défaut d’habitude. Je dis en conséquence : les individus qui se livrent à des travaux pénibles, nombreux, auxquels ils sont accoutumés, les supportent longtemps sans fatigue, et ceux qui se livrent à des travaux peu nombreux auxquels ils ne sont pas habitués, éprouvent de la fatigue ; certains individus digèrent plus facilement les aliments habituels, lors même qu’ils sont difficiles à digérer, que les aliments auxquels ils ne sont pas accoutumés, lors même qu’ils sont d’une digestion plus facile ; le corps réclame les évacuations habituelles, même celles qui sont désavantageuses par elles-mêmes, par la raison qu’il y est accoutumé, et il devient malade s’il en est privé ; c’est ce qui arrive pour le flux hémorrhoïdal et pour les purgations que certaines personnes ont l’habitude de s’administrer, pour les ulcères qui s’ouvrent de temps en temps et qui sécrètent de l’ichor, et encore chez quelques personnes pour le choléra[1], qui arrive à certaines époques ; car le corps recherche toutes ces évacuations, bien qu’elles soient désavantageuses, et lorsqu’elles n’arrivent pas aux époques habituelles, ceux chez qui ces habitudes se sont établies sont pris de maladies graves. On voit des particularités analogues se produire pour d’autres espèces d’habitudes ; ainsi pour des vers ïambiques que nous savons, si on nous demande, quand nous n’y sommes pas habitués, de réciter deux ou trois vers pris au milieu de la pièce, nous ne pouvons le faire que difficilement ; mais quand nous récitons la pièce de suite, et que nous arrivons à ces mêmes vers, nous les disons immédiatement et facilement ; et lorsque nous y sommes habitués, nous exécutons très-facilement le premier exercice. On constate aussi cet autre phénomène : ceux qui ne sont pas accoutumés à étudier apprennent peu et lentement, mais quand ils ont acquis plus d’habitude, ils apprennent beaucoup plus et plus vite. Cela arrive également pour les recherches. En

  1. Les anciens appelaient choléra une maladie caractérisée par des déjections et des vomissements simultanés (voy. particul. Alexandre de Tralles, VII, xiv, et Galien, Sympt. caus., III, ii, t. VII, p. 217-18). Il paraît même d’après Galien (Method. med., II, ii, t. X, p. 82), que ce sont les médecins enidiens qui ont les premiers donné le nom de choléra à cette espèce de maladie qui répond assez bien, ce me semble, au choléra nostras. Je traite cette question en détail dans la seconde édition des Œuvres choisies d’Hippocrate.