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DES HABITUDES.

boissons ; mais on digère difficilement les aliments solides auxquels on n’est pas habitué, lors même qu’ils ne sont pas mauvais ; il en est de même pour les boissons. On s’étonnera peu de tous les effets que produisent, quand on en mange contre son habitude, ou une grande quantité de viande, ou l’ail, ou la tige ou le suc de silphium, ou toute autre substance douée de qualités particulières énergiques, s’il arrive que de telles substances fatiguent plus fortement que d’autres les organes digestifs ; mais [on sera plus surpris] de voir quel trouble, quel gonflement, que de vents et que de tranchées produit la maza[1] chez un individu qui est habitué à manger du pain ; quelle pesanteur, quelle tension du ventre produit le pain chez celui qui est habitué à la maza ; quelle soif et quelle plénitude subite cause le pain chaud à cause de sa nature desséchante et de sa lenteur à parcourir les intestins ; combien d’effets différents produisent, quand on n’y est pas habitué, les pains fabriqués avec de la farine pure ou avec de la farine mêlée [au son], et aussi la maza sèche, ou humide, ou gluante ; quels effets produit la farine d’orge fraîche chez les individus qui n’y sont pas accoutumés, et quels effets produit la farine ancienne chez ceux qui sont habitués à la farine récente ; enfin tout ce qui arrive quand on passe brusquement, contre son habitude, de l’usage du vin à celui de l’eau et réciproquement, ou seulement quand on substitue brusquement au vin trempé d’eau, du vin pur [et réciproquement]. En effet, le vin trempé produit une surabondance d’humidité dans les voies supérieures et des vents dans les voies inférieures ; le vin pur amène des battements vasculaires, de la pesanteur à la tête, et de la soif. Comme le vin blanc et le vin noir substitués l’un à l’autre contre la coutume, quand même tous les deux seraient également généreux, produisent dans le corps de grands changements, il sera moins étonnant de ne pouvoir substituer [impunément l’un à l’autre] du vin fort et du vin d’un goût sucré. » § 10.

Il me suffit d’avoir emprunté ces exemples à Hippocrate pour faire connaître ce qu’il pense sur la puissance de l’habitude. Érasistrate, dans le IIe livre du traité De la paralysie, a écrit ce qui suit :

« Celui qui veut traiter les malades suivant les règles ne doit

  1. Voyez sur la maza, Oribase, I, xii, et la note correspondante, t. Ier, p. 565-66.