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DES MŒURS DE L'ÂME.

détournés[1] du bien par le plaisir, bien que l’attrait du plaisir, qui est très-attachant, ait une puissance assez grande pour nous détourner de la vertu[2], car si nous avons un penchant naturel pour le plaisir qui n’est pas une bonne chose, mais qui est plutôt, comme le dit Platon[3], un très-grand appât pour le vice, nous sommes tous méchants par nature. Si au contraire, non pas tous les hommes, mais seulement quelques-uns, ont ce penchant, ceux-là seulement sont méchants par nature. Si donc nous n’avions en nous aucune autre faculté qui nous soit plus familière que le plaisir, ou plutôt

    fère que par les mots. J’ai fait un compromis entre les deux textes grecs, afin d’arriver à une traduction régulière. Quoi qu’il en soit, le sens général de ce passage me paraît être le suivant : « Nous ne naissons pas tous heureusement doués pour la vertu, et quand nous sommes méchants, nous le sommes par nous-mêmes, et non parce que nous avons été détournés par les personnes qui nous entourent et qui s’efforcent précisément de nous corriger. » — Suivant les traducteurs latins, il faudrait interpréter : « Nous ne sommes pas portés à la vertu naturellement, mais pas les menaces et les réprimandes de nos parents et de nos maîtres. » Pour la thèse que Galien veut défendre, ce sens n’est pas tout à fait inadmissible ; mais il n’y a rien dans les textes grecs qui me paraisse la justifier.

  1. Πάνυ γὰρ ἀληθεῖς εἰσι καὶ οἵδε στρέφεσθαι λέγοντες, vulg. ; πάνυ γὰρ εὐήθεις, κ. τ. λ., cod. Flor. J’ai d’abord adopté εὐήθεις du ms. comme étant évidemment la seule leçon acceptable, et de plus j’ai changé δὲ στρέφεσθαι en διαστρέφεσθαι.
  2. Καίτοι γε αὐτῆς (sc. τῆς ἡδονῆς) μὲν ἐχούσης πολὺ, τοῦ δὲ ἀποστρεπτικοῦ (ὑποστρ., cod. Flor.) τε καὶ τραχέος ὄντος, vulg. — Si quidem ea (se. voluptas), multis nos iliecebris demulcet, et ea carere, asperum molestumque est. Trad. des Juntes. — Verti nos a delectatione inductionem quidem habente multam, adversione vero existente aspera. Trad. de l’édit. de Lyon, 1528. — Tametsi multum illa (se. voluptas) aversæ a nobis et exasperantis naturæ habeat ; trad. de Chartier. — Ici encore, j’ai été forcé de traduire par à peu près, et en tâchant de conserver la suite du raisonnement, mais sans pouvoir restituer le texte d’une façon satisfaisante. Le sens général me paraît être : « Si tous les hommes sont naturellement disposés à la vertu, comme le disent les stoïciens, et s’ils en sont détournés par le plaisir, il faut bien qu’ils soient, non pas bons, mais tous méchants, puisque le plaisir, qu’il soit la seule puissance ou qu’il domine l’autre, exerce un tel empire sur eux. Si au contraire ce ne sont pas tous les hommes, mais seulement quelques-uns qui cèdent au plaisir, ceux-là au moins ne sont pas bons, mais ils sont au contraire méchants par nature. Comment se fait-il donc que les uns soient bons et les autres méchants ? Si ces philosophes disent que c’est la tendance à la vertu qui est la plus forte puissance, qui a pu pervertir les premiers hommes ? »
  3. Timée, p. 69, d. — Voy. aussi Euthyd., p. 272, d, et Sophist., p. 222, e.