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DES MŒURS DE L'ÂME.

J’admire en cela les stoïciens qui pensent que tous les hommes sont capables d’acquérir la vertu, mais qu’ils sont pervertis par ceux qui vivent mal.

Laissant de côté tous les autres arguments qui détruisent leur raisonnement, je leur demanderai seulement d’où et de qui venait la perversité pour les premiers hommes qui n’avaient pas de prédécesseurs. Ils ne sauraient dire par qui les vices leur ont été communiqués. De même, nous voyons actuellement de petits enfants qui sont très-méchants, et il serait impossible de dire qui leur a appris la méchanceté, surtout quand beaucoup, réunis ensemble[1], recevant la même éducation des mêmes parents, des mêmes maîtres ou des mêmes pédagogues, ont une nature très-différente. En effet, y a-t-il rien de plus opposé à l’envie que le désintéressement ; à la malveillance, que la compassion ; à la timidité, que la hardiesse en toutes choses ; à la stupidité, que l’intelligence ; au mensonge, que l’amour de la vérité ? Cependant on voit que les enfants élevés par les mêmes[2] parents, les mêmes maîtres et les mêmes pédagogues, diffèrent entre eux par les qualités opposées que j’ai énumérées. Examinez donc bien quel nom il faut donner à de pareilles assertions des philosophes du jour ; il vaut peut-être mieux ne pas les appeler philosophes, et dire ceux qui se targuent de philosopher. Si en réalité[3] ils philosophaient, ils s’en seraient tenus à cette règle de poser les phénomènes évidents comme base de leurs démonstrations. Ce sont surtout les

    les maladies incurables de l’âme ; ses motifs sont au fond les mêmes que ceux du médecin de Pergame, quoique exprimés dans des termes un peu différents. — Voy. H. Martin, Notes sur le Timée, t. II, p. 371.

  1. Ici s’arrête brusquement, après quelques lacunes partielles, le texte dans les manuscrits qui ont servi pour l’édition de Bâle et de Goulston. La fin a été publiée pour la première fois, par Morel (Paris, 1617), et reproduite ensuite par Chartier, qui a collationné le texte de Morel avec une copie de Casaubon (voy. l’édit. de Chart., t. V, p. 469). — Cette fin du traité de Galien est horriblement corrompue dans le texte vulgaire et dans le manuscrit de Florence. J’ai dû corriger ou interpréter le texte un peu arbitrairement en plusieurs passages. J’indiquerai les principales corrections ou conjectures au fur et à mesure qu’elles se présenteront.
  2. Ἄλλοις, cod. Flor. ; αὐτοῖς, Chart., Kuehn. Cette leçon est la seule admissible si on considère la suite du raisonnement.
  3. Οὕτως, Chart., Kuehn ; lis. ὄντως avec le ms. de Flor.