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DES MŒURS DE L'ÂME.

donc, s’écrieront-ils alors, est-on en droit de louer ou de blâmer, de haïr ou d’aimer, puisqu’on est bon ou mauvais, non par soi-même, mais par le tempérament qu’on reçoit de causes étrangères ? Parce que, répondrons-nous, nous avons la faculté innée de préférer, de rechercher, d’aimer le bien, de nous détourner du mal, de le haïr et de le fuir, sans que nous considérions s’il a été engendré ou s’il ne l’a pas été, car ce n’est ni le bien qui fait que le mal est mal, ni le bien qui se fait primitivement lui-même[1]. Ainsi nous tuons les scorpions, les araignées venimeuses, les vipères, animaux qui sont faits ce qu’ils sont par la nature et non par eux-mêmes. Tout en appelant incréé le premier et le plus grand Dieu, Platon le nomme bon, et nous tous nous sommes portés par notre nature à aimer ce Dieu, qui est bon de toute éternité et qui ne s’est pas fait tel, ce Dieu qui n’a jamais été produit, puisqu’il est incréé et éternel. C’est donc avec raison que nous haïssons les hommes pervers, sans nous enquérir d’avance de la cause qui les a faits tels ; d’un autre côté, nous recherchons et nous aimons les hommes vertueux, qu’ils soient tels par nature, par l’éducation et par l’instruction, ou par choix et pour s’y être exercés. Nous ôtons la vie aux hommes incorrigibles et pervers, pour trois causes très-justes : la première, pour qu’ils ne nous nuisent pas en restant sur la terre ; la seconde, pour que leur supplice terrifie ceux qui leur ressemblent, et leur apprenne qu’une semblable peine les attend s’ils sont prévaricateurs ; la troisième, c’est qu’il vaut mieux pour ces hommes eux-mêmes qu’ils meurent par le supplice puisqu’ils ont une âme si pervertie qu’ils sont incorrigibles et qu’ils ne peuvent être amendés et rendus meilleurs ni par les Muses, ni par Socrate, ni par Pythagore[2].

  1. Οὐ γὰρ τὸ ἕτερον αὐτῶν τοιοῡτον ἐποίησεν, οὔτε κατεσκεύασεν αὐτῶν (à la marge αὐτό) τοιοῦτον [τὸ ἕτερον] ; Goulst. οὐ γὰρ… οὔτε κατ. αὐτό τοιοῦτον, Bâl., Chart., Kühn. Pour rendre à ce membre de phrase son véritable sens, il faut, je crois, lire αὑτό au lieu de αὐτό.
  2. Galien tranche lestement, aussi lestement du reste, que son maître Platon, la grande question de la peine de mort si souvent agitée dans les temps anciens et dans les temps modernes. Sans discuter les principes généraux, il s’arrête uniquement aux considérations extérieures, et en vérité on doit admirer sa charité envers les coupables ! Platon, peut-être plus fataliste encore que Galien, ne craint pas plus que lui de prodiguer le remède extrême de la peine de mort dans