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DES MŒURS DE L'ÂME.

Platon regardant, non les corps malades, mais ceux qui sont dans un état parfait de santé, est-ce qu’il vous semble, ô braves platoniciens, que des hommes en bonne santé et qui ont bu, peuvent faire la guerre, être à la tête des affaires, prendre de sages délibérations et diriger un navire ? Répondez-moi quand je vous demande si ce n’est pas comme un tyran que le vin contraint l’âme à ne pas bien penser ce qu’elle pensait avant, à ne pas bien faire ce qu’elle faisait avant, et si ce n’est pas à ce titre que Platon recommande de s’en garder comme d’un ennemi ? Car une fois entré dans le corps, il empêche le nautonier de bien diriger le gouvernail du bâtiment, les soldats de conserver régulièrement l’ordre de bataille ; il fait que les juges se trompent quand ils devraient être justes, et que tous les chefs commandent mal et donnent des ordres absurdes. Platon pense, en effet, que le vin, remplissant de vapeurs chaudes tout le corps et surtout la tête, cause un mouvement désordonné dans la partie concupiscible et irascible de l’âme, et fait que la partie logique prend des décisions précipitées. S’il en est ainsi, c’est par l’intermédiaire du tempérament que les fonctions susdites de l’âme paraissent lésées quand nous buvons du vin ; c’est aussi par le même intermédiaire que quelques-unes en retirent de l’avantage. Mais, si vous le voulez, je vous apprendrai dans un autre temps combien le vin, par sa chaleur, nous procure d’avantages ou nous cause d’inconvénients. — Maintenant, je vais transcrire un passage du Timée, dans lequel Platon parle ainsi : « Nous devenons tous bons ou mauvais pour deux causes complétement indépendantes de notre volonté, et dont il faut accuser plutôt les parents que les enfants, plutôt ceux qui nourrissent que ceux qui sont nourris[1] (p. 87, b). » — Puis il ajoute : « On doit s’efforcer, autant qu’on le peut, à l’aide de la nourriture, des institutions et des sciences, d’éviter le mal, et au contraire de rechercher la vertu. » Les institutions, en effet, les sciences, aussi bien que la nourriture, déracinent le mal et engendrent la vertu. Quelquefois Platon appelle nourriture (τροφή) non-seulement les aliments, mais encore tout le régime des enfants[2] ; toutefois, on ne peut

  1. Voy. note de la page 68 ; et remarquez que Platon semble croire ici que nous naissons dans un état d’indifférence par rapport au bien et au mal.
  2. Voy. le Lexicon platonicum de Ast., et le Trésor grec, éd. angl. au mot τροφή.