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DES MŒURS DE L'ÂME.

le même livre (II, iv), il n’a pas exprimé moins clairement cette doctrine : « Il y a, dit-il, certaines espèces de sang qui contiennent ce qu’on appelle des fibres : il y a du sang qui n’en a point : tel est celui des cerfs, des antilopes ; aussi ce sang ne se coagule pas. La partie aqueuse du sang est plus froide ; voilà pourquoi elle ne se coagule pas. La partie terreuse se coagule, le liquide s’évaporant pendant la coagulation ; mais les fibres sont du genre terreux. Il arrive quelquefois que certains animaux ont une plus belle intelligence, non parce que leur sang est froid, mais plutôt parce qu’il est ténu et pur ; car la partie terreuse n’a aucune de ces propriétés. Ceux dont le sang contient un liquide plus ténu et plus pur ont des sensations plus mobiles. C’est pour cette raison que certains animaux privés de sang ont une âme plus sensée que quelques animaux qui ont du sang, comme il a été dit plus haut. Telles sont les abeilles, la classe des fourmis, et les autres animaux analogues, s’il en existe. Tous les animaux dont le sang est très-aqueux sont plus lâches que les autres ; car la peur refroidit. Donc les animaux qui ont dans le cœur un pareil tempérament sont prédisposés à cette affection (c’est-à-dire à la peur), car l’eau se congèle par le froid[1]. C’est à cause de cela, pour le dire en un mot, que les animaux dépourvus de sang sont plus timides que ceux qui en ont. La peur les rend immobiles, leur fait lâcher leurs excréments, et chez quelques-uns change leur couleur. Ceux dont le sang a des fibres nombreuses et épaisses sont d’une nature plus terreuse, ont un caractère plus hardi, et cette hardiesse les rend farouches, car la hardiesse produit la chaleur. Les parties solides soumises à l’action de la chaleur deviennent plus chaudes que les liquides, car les fibres étant plus solides et plus terreuses, deviennent des fournaises dans le corps et causent une ébullition pendant la

  1. Le raisonnement un peu irrégulier d’Aristote revient, ce me semble, à dire : la peur est une affection froide, qui agit en refroidissant l’animal ; or, le sang aqueux est de tous les sangs celui qui se refroidit le plus facilement, attendu que l’eau est le liquide sur lequel le froid agit le plus fortement, puisqu’elle le congèle ; la peur a donc une action plus énergique, plus durable et plus souvent répétée sur les animaux à sang aqueux que sur les autres ; c’est ce qui explique la pusillanimité de leur caractère.